Ce sera un ballet de Preljocaj au Festival d’Avignon cet été. “Retour à Berratham” de Laurent Mauvignier évoque le martyre d’une femme dans une société masculine et totalitaire. Suffocant.
Imaginons n’importe quelle région du monde contrôlée par un régime obscurantiste. Une jeune femme tombe enceinte après sa seule nuit avec un homme aimé, bientôt chassé par la guerre. Pour sauver les apparences, gommer la honte de ce futur orphelin, sa famille la marie de force. Elle quitte le foyer conjugal mais paie cette fugue de sa vie, victime d’un lynchage.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ecrit en vue d’une adaptation scénique par Angelin Preljocaj, Retour à Berratham rappelle le thème du premier texte de Laurent Mauvignier pour le chorégraphe. Ce que j’appelle l’oubli rapportait un fait divers survenu à Lyon en 2009 : la mise à mort d’un SDF par des agents de sécurité dans un supermarché. Cette nouvelle “création”, qui sera jouée à Avignon cet été, réunissant comédiens et danseurs, se penche sur un mécanisme commun de violence, qui désigne le processus à l’œuvre dans des actes de barbarie rendus banals par une société.
Un dispositif théâtrale à plusieurs voix
Laurent Mauvignier, qui teste fréquemment de nouvelles formes de discours, épouse ici un dispositif théâtral en faisant alterner les voix – plusieurs narrateurs, une sorte de choryphée de tragédie grecque… La pièce est centrée sur un jeune homme de retour chez lui, sur les traces de son amour de jeunesse, accueilli par un décor lugubre et postapocalyptique. Une zone de non-droit, où sévissent bandits et mercenaires, qui ne pensent qu’à lui chiper ses “grolles” et à le menacer d’une arme.
La violence va crescendo, dans ce paysage d’après-guerre, en quatre-vingt pages portées par une énergie hagarde et suffocante. L’auteur joue parfaitement bien de la mythologie du rescapé, du revenant, apparu pour “frôler le fantôme de sa propre vie” mais embarqué par son chagrin et les Erinyes de la vengeance. Un texte radical, dont les accents d’inéluctable risquent de recevoir un accueil fiévreux sur la scène de la cour d’Honneur du palais des Papes.
Retour à Berratham (Minuit), 80 pages, 9,50 €
Les premières pages du livre sur le site des éditions de Minuit
{"type":"Banniere-Basse"}