Une tendance lourde pour l’actualité ou la famille, peu de grandes stars, quelques rescapés de l’autofiction : sélection des 46 textes à lire parmi la déferlante des 646 romans français et étrangers à venir. Photos Alexandre Guirkinger.
Karen Russell Swamplandia (Albin Michel)
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Elle peut se targuer d’avoir été au coude à coude avec Denis Johnson et feu David Foster Wallace pour l’obtention du Pulitzer 2012. Au final, le jury n’a pas su les départager. Reste que le premier roman de cette jeune Américaine originaire de Floride est une merveille de fantaisie, d’immersion dans l’enfance, de divagation poétique. L’histoire d’un parc d’attraction animalier dirigé par une chouette famille, un beau jour menacé de fermeture. Réflexion sur l’industrie du divertissement, la compétitivité à tous crins et le désastre écologique, le roman suit la sublime dérive adolescente de deux jeunes filles bizarres, amies des alligators et des fantômes. extrait dans notre supplément
Emmanuelle Pireyre Féerie générale (Éditions de l’Olivier)
Sous un titre tout en fausse sobriété, Emmanuelle Pireyre (Mes vêtements ne sont pas des draps de lit, Comment faire disparaître la terre ?) livre un texte étonnant, reproduisant le flux aléatoire des médias et du web, mixant discours savants et légendes urbaines. Au générique de cette fiction collage aux accents fantaisistes et drôles, on croisera James Brown, Friedrich Nietzsche, Umberto Eco, Louis de Funès, Yoko Ono, Christine Angot… Mais également des thèmes aussi variés que le tourisme sexuel, le management japonais, la viande halal et la crise financière.
Luc Lang Mother (Stock)
D’abord une voix ânonnante, puis cette phrase qui serpente, labyrinthique. La terre à explorer est celle d’une filiation houleuse, improbable, entre une génitrice toute-puissante et son fils. Auteur d’une dizaine d’ouvrages (dont Mille six cents ventres, 1998), Luc Lang compose ici le portrait saisissant de la folle Andrée, mère coquette, gloussante et destructrice. Un texte très fort.
Mathieu Larnaudie Acharnement (Actes Sud)
Ancienne plume d’un ministre, Müller s’est retiré des affaires. Il vit reclus dans une grande maison où il entreprend d’écrire le discours parfait. Mais sa concentration est bientôt perturbée par les corps qui tombent dans son jardin: des hommes et des femmes qui se jettent du viaduc près de chez lui pour mettre fin à leurs jours. La routine bien huilée de Müller se détraque. Face à la détresse, la parole et les gesticulations politiques semblent dérisoires. Une satire originale du pouvoir dans laquelle on croise, en guest-stars, les clones de Nadine Morano et de Frédéric Lefebvre.
Howard Jacobson Kalooki Nights (Calmann-Lévy)
Le Philip Roth made in England est de retour. L’an dernier paraissait en France La Question Finkler, roman récompensé par le Man Booker Prize. Avec i, Jacobson questionne à nouveau la judéité avec un humour kamikaze. À Manchester, dans les fifties, Max et Manny, deux ados juifs fascinés par le IIIe Reich, décident d’écrire Cinq mille ans d’inquiétude, une BD sur les souffrances du peuple juif. Max va devenir caricaturiste tandis que Manny croupira en prison après avoir tué ses parents… Jacobson ne s’impose aucune limite. Aussi noir qu’hilarant.
David Foster Wallace Le Roi pâle (Au Diable Vauvert)
Alors qu’Infinite Jest, le livre culte de l’écrivain américain disparu en 2008, n’est toujours pas traduit en français, paraît Le Roi pâle, roman posthume et inachevé. Dans le prologue, Michael Pietsch, l’éditeur et ami de Foster Wallace, raconte comment il a assemblé les notes éparses du manuscrit sur lequel le romancier a travaillé pendant dix ans. Même si le livre à l’architecture complexe est difficilement résumable, il y est question du quotidien dans un centre des impôts. Une façon pour Wallace d’aborder les thèmes de la solitude, de l’ennui et de la dépression.
Jakuta Alikavazovic La Blonde et le Bunker (Éditions de l’Olivier)
Elle s’appelle Anna, lui Gray. Elle est ultrablonde et artiste, lui intello précaire au visage refait. Ils sont amants, vivent dans un bunker à Montmartre au sous-sol duquel hiberne l’ex-mari. Vous avez dit bizarre ? À 32 ans, deux romans et un recueil de nouvelles derrière elle, Jakuta Alikavazovic s’est déjà imposée en franc-tireuse du jeune roman français. Entre le vaudeville et le mindfuck, le roman à clé et le traité d’art contemporain, sa nouvelle production déroute, enchante et intrigue, assurément l’une des plus audacieuses de cette rentrée. extrait dans notre supplément
Cécile Guilbert Réanimation (Grasset)
Cécile Guilbert avait signé un premier roman, Le Musée national, en 2000, et s’était fait connaître depuis avec des essais, dont le pop et érudit Warhol Spirit. On ne l’attendait pas du côté de l’écriture autobiographique, et pourtant c’est avec un roman très personnel qu’elle revient, inspiré d’un fait réel : quand son mari plongea dans un long coma thérapeutique suite à une maladie grave. Comment vit-on cette absence ? Le passage de l’être aimé du statut de grand vivant à la réduction à l’état de légume ? On accumule et on collecte les détails, les traces, les gestes, matières parcellaires d’un vide insoutenable, le non-être de l’homme aimé. extrait dans notre supplément
Stanley Elkin La Seconde Vie de Preminger (Cambourakis)
Le livre est paru en 1973 et son auteur, mort en 1995. Mais il n’est pas trop tard pour (re)découvrir la prose de l’Américain Stanley Elkin, révéré par Pynchon ou Vila-Matas. Archétype du serious funny writer, il fait basculer l e quotidien dans l’absurde le plus déroutant. Dans La Seconde Vie de Preminger, dernier volet de la trilogie Searches and Seizures, le héros, toujours étudiant à 37 ans, s’installe dans le condominium où a vécu son père, métonymie peu reluisante de l’humanité. Une tragicomédie exubérante, entre satire sociale et drame existentiel.
Jennifer Egan Qu’avons-nous fait de nos rêves ? (Stock)
Un producteur de musique saupoudre son café de paillettes d’or pour réveiller sa libido. Une ancienne starlette tente de relancer sa carrière grâce à une idylle fabriquée avec un dictateur. Un rockeur obèse veut finir en beauté avec une tournée-suicide. Voilà une infime partie des personnages qui peuplent le roman pour lequel l’Américaine Jennifer Egan a reçu le Pulitzer en 2011. Addictif comme une série télé, le livre entremêle les destins et les époques pour dire les désillusions et le temps qui passe. Entre Proust et Les Soprano, dixit Egan herself. extrait dans notre supplément
Pascal Guillet Branta Bernicla (Verticales)
Simon achète des barils de pétrole comme d’autres leur baguette de pain. Il dépense des millions en une matinée et trouve cela parfaitement normal. Simon est un trader français qui travaille à la City, à Londres. Sur le ton de la confidence désinvolte, il raconte son quotidien, ses collègues, sa petite amie qui l’empêche de dormir, les soirées dans les clubs de strip-tease, et fait aussi part de ses doutes. Avec ce premier roman, Pascal Guillet, la petite trentaine, s’attaque au mythe du trader flamboyant et démasque sa pathétique banalité.
Claro Tous les diamants du ciel (Actes sud)
Après Livre XIX et Cosmoz, en 2010, Claro poursuit son exploration hallucinée de l’histoire en zoomant cette fois sur la révolution culturelle des années 60 et 70. Tous les diamants du ciel raconte la folle odyssée d’un orphelin et d’une prostituée, à partir d’une intoxication au LSD dans un village français en 1951. Un tour de force formel qui allie mythes de l’époque (la défonce, le sexe libre, le rock, les premiers pas sur la lune…) et théorie de la conspiration autour de la CIA. Figure majeure et atypique de la scène littéraire depuis les années 90, éditeur et traducteur (de Thomas Pynchon, Richard Powers, William Vollman), Claro assure également la traduction de deux romans étrangers de cette rentrée, Snuff de Chuck Palahniuk (Sonatine) et Le Cycliste de Viken Berberian (Au Diable Vauvert). extrait dans notre supplément
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