Au cœur des essais de la rentrée, qui diagnostiquent une société disloquée, se dessinent des aspirations politiques excitantes.
apprendre à désobéir
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C’est à l’aune de cette aspiration que l’essai de Frédéric Gros nous conduit en dehors des conduites conformistes. Contre la docilité passive, le respect aveugle de l’autorité et toutes les formes de consentement, le philosophe invite à cesser d’accepter l’inacceptable (injustices, inégalités, dégradation de l’environnement…). Si les nouvelles formes de désobéissance, éthique et civique, sont l’indice d’un problème reconnu dans nos sociétés, Frédéric Gros ne s’attarde pas sur les mouvements sociaux actuels. Il préfère tenter de comprendre à quel point transgresser peut être une victoire sur soi. Son essai interroge les conditions éthiques du sujet politique et se demande pourquoi il est si difficile de désobéir alors que le monde impose des conditions de vie désespérantes.
Désobéir (Albin Michel), le 30 août
conjurer la haine
La haine xénophobe, raciale, sociale et sexiste hante notre époque. Contre les ressorts de sa propagation polymorphe, la journaliste allemande et ancienne reporter de guerre Carolin Emcke s’attarde sur ce qui la nourrit : naturalisation des identités, culte de la pureté, désir d’homogénéité… Encore habitée par ses expériences de témoin de la haine – au Kosovo, en Irak, au Liban –, elle articule finement journalisme et philosophie pour penser la possibilité de conjurer la haine. De son côté, la philosophe française Hélène L’Heuillet explore les ressorts de la haine contemporaine qui ne fait plus l’objet d’un refoulement. Malgré tout ce qui les sépare, les mouvements jihadistes et populistes sont ici analysés comme les effets d’un nouveau rapport à la haine : une radicalité de la destruction.
Contre la haine (Seuil), le 28 septembre
Tu haïras ton prochain comme toi-même (Albin Michel), le 30 août
croire aux utopies
Revenu de base universel, semaine de 15 heures, ouverture des frontières… Pour l’historien néerlandais Rutger Bregman, toutes les idées politiques stimulantes des temps actuels, souvent considérées comme des illusions portées par des gentils naïfs déconnectés de tout principe de réalité, sont au contraire des “utopies réalistes”. Son essai, déjà paru avec succès aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, prend à revers tous les prétendus réalistes de la politique, en démontrant, preuves à l’appui (grâce aux travaux de Thomas Piketty, Esther Duflo, David Graeber…), que les utopies forment encore un horizon pour nos sociétés. Une nécessité plus encore qu’un rêve. Benoît Hamon peut encore y croire.
Utopies réalistes (Seuil), le 24 août
résister au système médiatique
Plutôt que dans des démocraties, nous vivons dans des “médiarchies”, c’est-à-dire des systèmes politiques où, plus que les peuples ou les individus, ce sont les publics qui sont devenus les substrats de la politique. C’est la thèse d’Yves Citton, penseur de “l’écologie de l’attention” depuis plusieurs années, qui cartographie le paysage médiatique dans ses plis les plus secrets et les plus pervers. Du “médiactivisme” au “médiartivisme”, des algorithmes à la sociologie des réseaux, le chercheur élargit le spectre déjà grand de la réflexion contemporaine sur les médias.
Médiarchie (Seuil), le 7 septembre
comprendre où nous en sommes
Egaré dans la provocation politique, parfois à la limite du délire ces derniers temps, Emmanuel Todd reprend ses meilleurs habits d’anthropologue de la famille pour rassembler des années de recherche sur la religion, l’idéologie, les territoires… Et pour essayer d’éclairer, par l’étude des structures sociales les plus profondes, où en est le monde contemporain. Histoire de mieux comprendre le sens de l’élection de Trump, la politique de puissance de Poutine, la paralysie de l’Europe, la désintégration étatique du Moyen-Orient… et la présidence Macron.
Où en sommes-nous ? (Seuil), le 31 août
réinventer le socialisme
Il suffit d’observer le champ électoral dévasté pour s’en convaincre : le socialisme est désormais perçu comme une “réalité du passé”, observe le sociologue allemand Axel Honneth. Au lieu de reconnaître son décès, cette grande figure de l’école de Francfort estime que le socialisme contient encore une “étincelle vivante”, à condition de ressaisir son idée directrice, en la dégageant d’une structure de pensée enracinée au XIXe siècle et en la replaçant dans le cadre d’une théorie sociale nouvelle. Une fois de plus, Benoît Hamon peut encore y croire.
L’Idée du socialisme (Gallimard), le 14 septembre
considérer les migrants
Dans un court mais dense texte d’intervention, Marielle Macé se penche sur la manière dont les migrants sont traités aujourd’hui en France, dans des lieux aussi divers que le quai d’Austerlitz à Paris ou la “jungle” de Calais. Face à la sidération que confère ce “spectacle” de la désolation humaine, l’auteur mobilise ses lectures (Judith Butler, Jean-Christophe Bailly, Jacques Derrida, Walter Benjamin…) pour puiser d’autres ressources conduisant à la “considération”, c’est-à-dire à la colère, à l’attention aux migrants et à leurs épreuves. Un texte fort, traversé par la vitalité d’une écriture de l’hospitalité.
Sidérer, considérer – Migrants en France, 2017 (Verdier), le 24 août
penser dans un tourbillon
Quand tout change et mute, comment trouver du calme pour réfléchir ? Auteur d’un essai remarqué en 2013 sur le travail qui rend fou, Global burn-out, le philosophe belge Pascal Chabot s’interroge sur les effets néfastes du technocapitalisme sur les existences (éclatées, morcelées, écartelées) et la manière d’y résister. Le véritable défi, c’est ce que Chabot appelle “la perplexification” du monde. Si les balises et les repères font défaut, il nous reste à trouver en nous la manière de poser des règles sociales plus justes.
Exister, résister – Ce qui dépend de nous (Puf), le 6 septembre
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