Soumis au déterminisme social, les personnages de Remedium cherchent à échapper à leur quartier du Blanc-Mesnil. Un regard cru et informé qui fait mouche.
“Alex, c’est plus qu’un pote d’enfance, c’est mon refré. Lié comme un refrain à son couplet, je suis son reflet.” Dès la première page, les mots scandés imposent leur rythme et créent un hip-hop à la mélancolie subliminale. Le goût pour la langue de Remedium saute aux yeux comme les images crues et les cadrages efficaces qu’il privilégie. Tout au long de cet album titré comme la version urbaine et sombre des Contes rouges du chat perché de Marcel Aymé, le dessinateur multiplie les figures de style, les assonances astucieuses et les jeux sémantiques.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mais sa verve, si elle est remarquable, n’alourdit jamais la narration, elle souligne les maux de Gax, Shahinese et autres héros malheureux. Les personnages de Remedium se battent pour s’en sortir, échapper au déterminisme social qui tente de les étouffer et aux coups tordus que la cité leur inflige. Ils cherchent à s’évader de la prison mentale dans laquelle ils sont bloqués ou cherchent à faire entendre leur voix, noyée au milieu du brouhaha de leur quartier.
Les cités dans toute leur complexité
Habitant en Seine-Saint-Denis, s’inspirant de faits réels, l’auteur a choisi la bande dessinée comme un engagement – il poursuit d’ailleurs sur le net les strips de Titi Gnangnan, caricature acerbe de Thierry Meignen, le maire du Blanc-Mesnil.
Il ne fantasme pas la banlieue, il la livre dans toute sa complexité – comment dénoncer les agressions sexuelles du professeur d’arabe apprécié de tous ? – et sans arrondir les angles. S’ils sentent le vécu, les contes de la lose réunis ici pourraient juste être d’édifiantes tranches de vie. Si celles-ci se révèlent touchantes, c’est parce que Remedium conserve de la tendresse envers ses personnages et qu’il les transforme en sujets de poésie graphique.
Narrateur ultra-efficace – voir l’histoire Déments sur canapé et son utilisation bluffante d’un décor pourtant minimal –, il nous réserve une belle surprise. Présentés par le biais de chapitres indépendants, les destins brisés qu’ils racontent s’assemblent en effet, se complètent ou se confrontent les uns aux autres pour former un bouillonnant récit choral.
Les Contes noirs du chien de la casse de Remedium (Des ronds dans l’O), 72 pages, 15 €
{"type":"Banniere-Basse"}