Dans ce récit sur la première “bombe platine”, l’auteure démonte le système de domination hollywoodien.
Il y a quelques semaines, dans un livre-manifeste très foucaldien, Edouard Louis rappelait que “le corps est politique”. Le jeune prodige y actualisait l’idée que l’enveloppe charnelle des opprimés accuse l’histoire politique qu’ils subissent. Qui a tué mon père, écrit-il, avant d’accuser, intraitable : Sarkozy, Chirac, Hollande, Macron.
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Le nouveau livre de Régine Detambel pourrait s’appeler “Qui a tué Jean Harlow”, tant il ausculte, lui aussi, les traumas physiques engendrés par les dispositifs de domination à l’œuvre dans un monde et une époque qui ne semblent pas si éloignés des nôtres. Mais cette fois, soyons honnête, Macron n’a rien à voir avec ça.
Une bombe au sein d’une industrie patriarcale et libérale
Jean Harlow fut la première “bombe platine” de l’industrie hollywoodienne. Coiffe d’or et courbes affolantes, elle était le modèle de Marilyn Monroe. “L’incarnation du sex appeal” pour le Time, une star du glamour fauchée à 26 ans, après une vingtaine de films.
Mais ce que raconte aussi Detambel, c’est que Jean Harlow fut la martyre d’une industrie patriarcale et libérale, qui exploitait ses comédiennes comme des ouvriers en usine, qui produisait des films à la chaîne.
A l’écriture de l’auteure de suivre les bosses, balafres et brûlures que laissèrent sur le corps affligé de l’étoile les violences de ses bourreaux. Son premier mari d’abord. Le petit Paul Bern qui, affublé d’un sexe d’enfant et impuissant, pensait qu’un “sex-symbol” pourrait lui rendre sa virilité.
Un triste peine-à-lever qui, de frustration, défonça tant et si bien les reins de sa jeune épouse, à la canne, au pied, aux dents même, qu’elle finit par en mourir. Bourreau aussi, Louis B. Mayer. Patron tout puissant de la MGM, qui enferma la jeune femme dans son rôle d’icône sexuelle, exploitant jusqu’au coma l’image, l’aura et le corps de son employée agonisante.
Alors que l’industrie du cinéma commence tout juste son tardif processus de moralisation, le texte de Régine Detambel résonne bien plus puissamment qu’une simple biographie. Il est, lui aussi, un manifeste politique, contemporain, salvateur.
Platine (Actes Sud), 192 p., 16,50 €
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