Premier roman publié par Stephen King, Carrie s’est imposé comme un classique de la littérature d’épouvante. Une version sanglante du teen-novel.
Un bain de sang. Littéralement. D’abord celui des premières règles de Carrie, qui coule entre ses jambes sous la douche collective, entraînant les cris et le déchaînement sadique des autres élèves. Puis le sang âcre et poisseux d’un cochon qui se déverse sur elle le soir du bal du lycée, colle à sa robe et à sa peau : « elle était rouge de sang, ruisselante ; ils l’avaient inondée, étalant devant tout le monde le honteux secret du sang ». Les deux scènes encadrent le premier roman publié par Stephen King en 1974 et adapté au cinéma deux ans plus tard par Brian De Palma. Pour beaucoup, Carrie White, incarnation à la fois horrifique et réaliste des tourments de l’adolescence, aura toujours les traits étranges de Sissy Spacek.
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Elevée par une mère fondamentaliste complètement désaxée, Carrie est depuis son plus jeune âge la riséede ses camarades. « Ce qu’aucune ne savait, bien sûr, c’était que Carrie White était télécinétique. » Elle peut déplacer des objets à distance et ce pouvoir se développe de façon impressionnante à la puberté. C’est par lui que la jeune fille va détruire son école et toute la ville de Chamberlain, après l’ultime humiliation dont elle aura été victime lors du fameux bal de printemps. Invitée par l’un des plus beaux garçons du lycée, elle croit enfin être entrée dans la norme. Ephémère reine de la soirée, elle se métamorphosera en monstre. Carrie, c’est Cendrillon inversée, l’anticonte de fées absolu. A un moment, Tommy, son cavalier, compare Carrie à Galatée. Dans la version d’Ovide, l’histoire d’amour entre Galatée et le berger Acis finit sous les filets de sang qui sourdent de l’Etna.
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King réactive tous ces mythes et entrecoupe le récit d’extraits depublications scientifiques, d’articles de journaux, d’interrogatoires au tribunal et des mémoires d’une survivante de la nuit d’apocalypse. En cela, son roman est bien plus ancré dans le réel que le film de De Palma et suscite une angoisse moins spectaculaire, mais plus intime, parce qu’elle fait écho, en les amplifiant, aux peurs profondes liées à l’adolescence : les transformations physiques, la sexualité, la peur de la différence. D’ailleurs, Stephen King joue avec tous les archétypes du teen-novel, de l’outcast incarné par Carrie aux pimbêches populaires, en passant par l’athlète beau gosse. Mal dans sa peau, mutante, Carrie, c’est celui ou celle qu’on a tous été un jour vers 13-14 ans.
Elisabeth Philippe
Carrie (Le Livre de poche), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Henri Robillot, 288 pages, 6,60 €
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