Le 9 juin dernier, la Commission européenne a donné son feu vert à l’offre publique d’achat (OPA) lancée par Vivendi (Editis, Canal+, Prisma Media…) sur Lagardère (Hachette, “Paris Match”, “JDD”…), mais à certaines conditions seulement. Retour sur ce dossier qui secoue le monde de l’édition depuis plusieurs mois déjà.
Le rachat du groupe Lagardère, propriétaire du groupe d’édition Hachette, par Vivendi se précise. Le 9 juin dernier, la Commission européenne a finalement donné son accord à l’offre publique d’achat (OPA) lancée par le groupe de la famille Bolloré, mais sous certaines conditions. Le but étant tout de même d’empêcher une mainmise de l’homme d’affaires sur l’édition française, ainsi que sur la presse magazine people. En effet, il a été exigé à Vivendi de se séparer de sa filiale Editis (deuxième groupe français d’édition) afin d’obtenir son concurrent Hachette, premier français et numéro trois mondial du secteur. Il doit également abandonner le magazine Gala, en concurrence avec Paris Match ou encore Le Journal du dimanche, tous deux possédés par Lagardère.
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Ce dossier, brûlant mais dans l’actualité depuis plusieurs mois, secoue le monde de l’édition, qui craint non seulement une uniformisation de la création littéraire et de ses moyens de diffusion, mais également la diffusion massive des idéologies d’extrême droite de Vincent Bolloré (le groupe Canal+ en étant la parfaite illustration).
Une affaire vieille de trois ans
C’est en 2020 que l’histoire commence, lorsque Vincent Bolloré a progressivement phagocyté le groupe Lagardère avec Vivendi, en devenant le premier actionnaire en juillet, avant de finalement lancer une OPA en septembre 2021. À cet instant, l’objectif de Bolloré est clair : fusionner les groupes Vivendi et Lagardère afin d’asseoir une hégémonie dans les mondes de l’édition et des médias, en détenant alors Editis, Hachette, Canal+, Prisma Media, Paris Match, Europe 1, JDD et RFM pour ne citer qu’eux.
Une perspective plus que redoutée dans l’édition française. Une telle opération aboutirait à une concentration jamais vue, avec notamment 71 % des parts de marché dans le scolaire, 63 % dans les dictionnaires et 54 % dans la littérature de poche. Sans compter les visées politiques de Vincent Bolloré, dont le management presque totalitaire au sein du groupe Canal+ notamment, privé de ses quelques espaces de liberté depuis son arrivée, est loin de faire l’unanimité.
La Commission européenne comme trouble-fête des ambitions de Bolloré
Et la diversité de la création, dans tout ça ? Si Arnaud Nourry, ex-PDG d’Hachette Livre et fervent opposant à cette opération, a brutalement été démis de ses fonctions par Arnaud Lagardère en mars 2021, l’opposition ne s’est pas découragée. Jusqu’à atteindre les instances politiques, et la commission d’enquête sur la concentration des médias du Sénat qui convoque Vincent Bolloré en janvier 2022. Résultat : la fusion des deux groupes est compromise, et Vivendi annonce son intention de céder Editis pour rendre l’opération acceptable.
De son côté, Bruxelles lance une enquête en novembre 2022, craignant pour le droit à la concurrence avec un monopole sur l’ensemble de la chaîne de valeur du livre. La décision tombe le 9 juin, la Commission européenne exige que Vivendi se sépare d’Editis – et surveillera le bon déroulement et la fiabilité de l’opération, ainsi que du magazine Gala, pour que l’OPA puisse aboutir. Ainsi, Vivendi ne pourra pas finaliser l’acquisition de Lagardère tant que la Commission n’aura pas approuvé le nouvel acquéreur d’Editis.
La vente d’Editis, un nouveau feuilleton
Vivendi doit maintenant se hâter de trouver un potentiel acquéreur à sa filiale, et n’a pas caché sa volonté de trouver un repreneur étranger à l’édition française pour éviter de renforcer un potentiel concurrent. C’est en ce sens que des négociations exclusives sont en cours depuis mars avec le milliardaire Daniel Kretinsky, magnat de la presse tchèque à la tête de la holding Czech Media Invest (CMI).
Le rachat de 25 % de la Fnac/Darty, premier vendeur de livres en France, par ce dernier fin mars risque néanmoins de compliquer la vente, et de déplaire à la Commission européenne. Ainsi, l’opération pourrait aussi bien être entérinée dès juillet que dans de longs mois. Affaire à suivre…
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