Avec ce cinquième volume des “contes du Marylène”, la dessinatrice française Anne Simon consolide son univers excentrique et livre à la fois une fable pleine de fantaisie et un constat politique cruel.
Le pays Marylène subit le poids de la dictature exercée par son gouverneur, Boris l’enfant patate. Avec son armée de frites, celui-ci a plongé la population dans l’alcoolisme et le libéralisme forcené en mettant en place un cercle vicieux – travaillant pour lui, les salarié·es achètent avec leur paie la bière qu’il produit. Heureusement, la résistance veille : Simone Michel et l’équipe pédagogique de l’Institut des benjamines s’efforcent de former celles qui vont renverser le tyran.
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Quand elle ne se consacre pas à des biographies (de Freud, Marx ou Sacher-Masoch) ou à l’Histoire (En âge florissant, avec Pascal Brioist, consacré à la Renaissance), Anne Simon s’évade en continuant l’exploration de l’univers fantasmagorique dont elle a posé les premières pierres il y a quinze ans. S’y croisent des nymphes, des crocodiles ou des chevaux qui parlent ; sont repris des combats de notre temps.
Rapports de domination et endoctrinement
Sur un air de conte immémorial, avec des mélodies empruntées aux Beatles dont elle reste grande fan, Anne Simon dépeint par des suites de hachures délicates des personnages excentriques que l’on croirait échappés d’une pièce de théâtre animalière et comique. Mais la fantaisie naturelle de sa saga se trouve bousculée par des thèmes très actuels comme les rapports de domination et l’endoctrinement.
Les précédents volumes ont déjà montré que, dans le pays Marylène comme ailleurs, l’exercice du pouvoir corrompt
Dans l’écriture de sa grande saga, où chaque livre s’emboîte à l’intrigue générale de manière originale, l’autrice ne tombe pas dans le manichéisme ou la facilité. Les précédents volumes – La Geste d’Aglaé (2012), Cixtite impératrice (2014), Boris l’enfant patate (2018) et Gousse et Gigot (2020) – ont déjà montré que, dans le pays Marylène comme ailleurs, l’exercice du pouvoir corrompt.
La quête de liberté s’accompagne souvent d’envies totalitaristes. On le constate également lorsque la féministe Simone Michel est élue présidente : elle qui a battu le patriarcat impose dans la foulée l’insémination artificielle aux jeunes filles célibataires de son pays. Derrière la farce, la tragédie n’est jamais très loin.
L’Institut des benjamines d’Anne Simon (Misma), 128 p., 18 €. En librairie le 6 mai.
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