Que lit François Hollande ? Inventaire de ses lectures secrètes ou imaginaires, à la vue de sa campagne réussie.
Dans une librairie où il se rendait durant la campagne électorale pour dénoncer la hausse de la TVA sur les livres, François Hollande s’empara de deux livres de philosophie, Petit éloge de la gentillesse d’Emmanuel Jaffelin et Histoire de la virilité de Corbin, Courtine et Vigarello. Deux bons livres, dont on peut se demander s’ils furent choisis au hasard ou s’ils répondaient à un goût particulier du candidat socialiste.
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On pouvait en tout cas deviner dans ce geste de captation un signe envoyé à son rival, comme pour lui signifier que la gentillesse, une valeur morale à réactiver dans une société tendue, pouvait s’accommoder de cette puissance virile dont Sarkozy n’avait en rien le monopole. Un homme, un vrai, gentil et cultivé, Hollande était aussi un malin, un stratège lucide sur le poids des symboles.
Mais quelle relation le nouveau Président entretient-il réellement avec les livres ? Quelle est sa bibliothèque secrète, affective, politique ? Si de nombreux pans de sa personnalité ont été récemment mis à nu, le mystère de ses lectures persiste, en dehors de Zola et Camus, ses deux écrivains fétiches. On se souvient qu’un paparazzi l’avait surpris en train de lire sur un bateau L’Histoire de France pour les nuls ! A-t-il élevé son niveau d’exigence depuis ?
L’analyse de tous ses discours depuis plusieurs mois révèle quelques efforts de sa part. L’insistance sur la notion d’égalité laisse croire qu’il a lu l’essai décisif de Pierre Rosanvallon, La Société des égaux. Sur la question du peuple, ses références restent plus floues : entre l’essai du géographe Christophe Guilluy, Fractures françaises, également très lu à droite, et les réflexions du collectif Cette France-là, mené par un sociologue comme Eric Fassin, une forme d’ambiguïté demeure, indice d’une tension au sein de son camp entre les horizons d’une gauche dite “populaire” et une autre cherchant à détacher la question sociale de la question raciale.
S’agissant des banlieues, le travail récent de Gilles Kepel (Banlieue de la République, Quatre vingt-treize) devrait influer sur sa politique de redéploiement de l’Etat social dans les territoires relégués. Sur la question de la justice et des libertés publiques, Hollande a dû lire Contre l’arbitraire du pouvoir ou le récent Dictionnaire politique à l’usage des gouvernés de Brugère et Le Blanc.
Sur l’école, il est possible que l’essai de Christian Laval, La Nouvelle Ecole capitaliste, ait inspiré certaines de ses idées de reconstruction d’un modèle scolaire. Sur les inégalités, la fiscalité, la solidarité, les travaux de sociologues et économistes comme Thomas Piketty, Nicolas Duvoux, Thierry Pech, Alain Supiot, semblent intégrés dans son logiciel de pensée ; seules les manières de sortir de la crise restent encore à définir.
Maintenant qu’il est parvenu aux plus hautes fonctions, on lui conseille le Cours sur l’Etat de Pierre Bourdieu, dans lequel le sociologue disparu invitait à remuscler la “main gauche de l’Etat”. Ou encore de se plonger dans le nouveau livre de Jürgen Habermas, La Constitution de l’Europe, où, sur fond de crise de l’Union, s’impose la nécessité d’une Europe des peuples. On ne saurait par ailleurs recommander à Hollande la lecture du dernier livre de Martine Aubry, Pour changer de civilisation, même si l’on sait que son livre de chevet actuel reste l’ouvrage de Pierre Favier, 10 jours en mai, récit des premiers pas de Mitterrand.
De stratégie et de tactique, François Hollande aura certes besoin, mais de lecture savante aussi : le changement ne pourra faire l’économie des idées qui circulent dans le champ de la pensée.
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