La romancière italienne dépèce avec jubilation une famille de la bourgeoisie milanaise, et invite à repenser toutes les relations.
Elles sont toutes ici, les femmes de Vittorio, rassemblées autour de la table : son épouse, son ex-épouse, sa mère, sa sœur, ses deux filles et même sa jeune amante. Sauf que Vittorio ne viendra pas dîner. Chacune doit alors s’interroger sur l’attitude qu’il convient d’adopter, et tout un bel édifice d’apparences va s’écrouler.
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Comme dans son livre précédent, Bonvicini pose un regard plein d’ironie sur cette classe sociale bourgeoise qu’elle déconstruit avec une cruauté amusée. Mais si Le pays que j’aime faisait référence à l’histoire politique italienne, le propos de ce nouveau roman est plus large, comme une dénonciation de nos sociétés modernes où les hommes sont encore et toujours au centre du monde.
Un marché de dupes qui rend impossible tout épanouissement
Chaque femme ici va réfléchir à la façon dont sa vie s’est presque naturellement organisée autour de celle de Vittorio, brillant écrivain plein de charme. Sans qu’elles en aient pris conscience, leurs propres désirs ont souvent été étouffés. Reste que ces femmes d’âges divers, de l’adolescente à la grand-mère, se détestent. L’art de Bonvicini est de démontrer combien la présence de Vittorio les a mises en concurrence. Mais il n’est pas seulement question de la condition des femmes.
Bonvicini dénonce plus généralement une situation qui pousse les individus, quels qu’ils soient, à s’enfermer dans des rôles préétablis (la mère parfaite, l’ambitieuse, le séducteur). Soit un marché de dupes qui rend impossible tout épanouissement. Au milieu des vieilles rancœurs, des existences ratées ou rattrapables, entre les coups d’éclat et les rebondissements, le roman nous donne à voir l’envers de la bourgeoisie milanaise d’aujourd’hui : intellectuelle, industrieuse, efficace, mais fermée sur ses non-dits, ses compromissions et ses contradictions.
Mais le meilleur reste à venir : à la fin du livre, Vittorio prend la parole et s’explique sur son absence. Cet épilogue est un chef-d’œuvre d’intelligence qui finit de faire exploser ce modèle de société figée que Bonvicini déchiquette, avec un évident plaisir.
Les Femmes de (Gallimard), traduit de l’italien par Lise Caillat, 224 p., 19 €
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