Réédition revue et augmentée du beau roman de Bertina sur Johnny Cash.
Un roman ayant pour sujet la figure emblématique de Johnny Cash : l’exercice est périlleux. Ces dernières années, il est devenu à la mode de s’attaquer par la fiction à telle ou telle icône ou légende (rock, politique, etc.). De parler en leur nom, s’imaginer à leur place. Mais qu’est-ce qu’un romancier peut apporter de plus qu’un biographe ? Quel est le statut et l’intérêt de ces digressions imaginaires sur des personnes réelles, quand trop d’archives, d’articles et de témoignages existent déjà à leur sujet ? Bertina y répond en multipliant les points de vue, se permet de cerner Cash sous plusieurs angles (“l’homme en noir” vu par un collègue de jeunesse quand il était démarcheur-vendeur ; par un gardien de prison avec lequel il passa une nuit en taule, etc.).
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Et puis il a cette intuition géniale : pour saisir Cash, il faut savoir écouter, comprendre et retranscrire des voix. Celles de ces démons qui le hantent. Celle qui est son instrument même, fragile, inégalée. Aussi, quand on a soi-même une belle voix (ou plume), on peut se risquer à ces exercices de polyphonie de haute volée. C’est le cas de Bertina, qui apporte ainsi sa pierre à l’édifice Cash autant qu’à la littérature. Si le livre avait déjà été publié aux éditions Naïve en 2006, la troisième partie met en scène un nouveau personnage ou plutôt une nouvelle voix – celle de Joe Strummer. La discussion du chanteur de The Clash avec Rick Rubin (le producteur mythique auquel on doit le dernier opus du crooner) sur le thème : “Cash, figure tutélaire ou vieux bibelot kitsch ?”, vaut à elle seule de se replonger dedans.
J’ai appris à ne pas rire du démon (Actes Sud), 160 pages, 14,90 €
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