Dans un roman construit comme un polar, Julia Deck se moque avec un humour caustique de la bourgeoisie moderne.
Comme il était enthousiaste, ce couple d’intellectuels parisiens lorsqu’il a acheté sur plan une maison dans un lotissement écolo en banlieue. Mais dès la première page du livre, la présence d’un cadavre de chat instaure une tonalité macabre. L’auteure de Viviane Elisabeth Fauville travaille comme toujours dans la mécanique de précision et, selon une construction littéraire implacable, elle démonte page à page l’univers idéaliste de ses personnages.
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Dissection du couple au scalpel
Car tout avait été intelligemment pensé dans cet “écoquartier”, un groupe de jolies maisons avec jardin, chauffées aux panneaux solaires mais construites très symboliquement dans une impasse. Deck crée un microcosme de protagonistes archétypaux, portant chacun un des maux de notre société. La narratrice, venue dans cet enfer avec son mari qui, d’abord écolo enthousiaste, s’est ensuite révélé être un aigri dépressif, ne sait plus comment se protéger de cet entourage nocif. Usant du pastiche en construisant son livre comme un faux polar, elle souligne avec causticité les hypocrisies de la bourgeoisie d’aujourd’hui et porte un regard sans concession sur la vie de couple.
Virtuose de la novlangue immobilière
Surtout, au-delà de l’humour, le livre est une savante critique de la rénovation urbaine telle qu’elle est vendue par les pouvoirs publics. La romancière travaille avec virtuosité la novlangue de la spéculation immobilière qui sait s’embusquer derrière des arguments humanistes et éco-compatibles. La narratrice, urbaniste de profession, était plongée dedans mais dès le début du livre en parle au passé : “Je travaillais sur le réaménagement urbain. Je croyais à l’expansion de la ville hors de ses frontières, au mieux-être de tous dans des zones verdoyantes de moindre densité.” Mais elle en constate les effets pervers sur la petite banlieue où elle s’est installée : “Alléchée par le prolongement du métro, une nouvelle population investissait la commune. Et ces classes intermédiaires, qui bénéficiaient d’un bond spectaculaire de leur pouvoir d’achat par simple franchissement du périphérique, exigeaient des commerces à leur mesure – boutiques de créateurs, équitables, biologiques –, refoulant chaque jour un peu plus loin les derniers vestiges de l’ancien peuplement.”
Propriété privée (Les Editions de Minuit), 176 p., 16 €
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