Il n’est pas question de condamner un homme par ses romans. Mais nous avons eu la curiosité d’ouvrir les livres de PPDA pour voir quelle vision de la femme, et des rapports hommes-femmes, ils ont véhiculé pendant des décennies. Et c’est édifiant.
“On me dit parfois qu’il ne faut jamais reconnaître qu’on a pu écrire un livre à toute vitesse, il paraît que cela fait mauvais genre, mais je préfère la franchise. On me dit aussi qu’il ne faut pas davantage parler du nombre d’ouvrages qu’on a signés, cela attise semble-t-il les jalousies ou les soupçons, mais la vérité est que je n’en regrette aucun”. Ces lignes sont signées Patrick Poivre d’Arvor et figurent dans un récit autobiographique paru en 2013 chez JC Lattès, Seules les traces font rêver.
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Des traces, PPDA en a laissé, elles sont compilées dans des livres. Et toutes ne font pas forcément rêver. “J’en ai écrit beaucoup, trop peut-être, entre soixante et soixante-dix, pour un bon tiers avec mon frère Olivier”. Car avant d’avoir été le présentateur vedette du 20 heures de TF1 de 1987 à 2008, Poivre s’était avant tout rêvé écrivain, même si son premier roman ne fut publié qu’une fois qu’il était devenu un personnage public. Il brigua un fauteuil à l’Académie française en 2012, sans succès. Certains de ses livres furent, eux, de véritables best-sellers, dépassant le million d’exemplaires vendus.
Une large exposition médiatique
À l’heure où une instruction est en cours et que vient de paraître Impunité, le livre à charge de la journaliste Hélène Devynck (édition du Seuil), nous n’avons pas voulu nous substituer à la justice. Nous n’entendons pas convaincre ici de la culpabilité de PPDA pour les faits dont il est actuellement accusé. Nous avons tout simplement ouvert ses livres et les avons lus. Et dans cette besogne d’archiviste plus que de critique littéraire, nous y avons vu le reflet d’une époque, celle où on ne parlait pas encore de culture du viol comme concept sociologique. Une époque où ces livres ont été édités, distribués, vendus, certains d’entre eux ont été lus, et son auteur disposa d’une large et constante exposition médiatique.
Son premier roman, Les Enfants de l’aube (JC Lattès), fut écrit, selon sa légende, à 17 ans, mais ne sortit que dix-huit ans plus tard en 1982. On sait l’importance des premières fois, aussi en littérature. Toute l’œuvre d’un auteur y est souvent en germe. Poivre y étale une prose très adolescente, empreinte de romantisme, sa sempiternelle marque de fabrique. Comme le confirme la scène où le héros, Tristan, rencontre sa bien-aimée en lisant Musset à la bibliothèque d’une main puisqu’avec l’autre il se masturbe à la vue de celle qui n’est encore qu’“une nuque inconnue”. “J’avais envie de faire l’amour avec cette nuque, de la pénétrer, de jouir dans la racine de ces cheveux en forme de M.”
Il ne suffira que de quelques pages pour qu’il possède sa belle et rêve de l’engrosser. “Je ne pouvais l’imaginer qu’enceinte (…) elle cousait, comme on le faisait au Moyen Âge (…) en attendant le retour du seigneur et maître. (…) ce n’est pas vraiment un rêve de féministe. Pourtant je suis sûr que dans mes songes je ne me posais pas en dominateur.” Dans ses songes non, mais dans ceux de Camille pourquoi pas, par exemple en la pénétrant pendant son sommeil : “Doucement, très doucement, je m’introduisis en elle. Elle ne s’était pas réveillée, mais ses mains cherchaient quelque chose. (…) Je déchargeai en elle des vagues d’amour et de brume et me retirai très doucement. Mais, dis-moi, Tristan, c’est un viol ou un cambriolage…”. On remarquera l’absence de point d’interrogation…
“J’étais très excité par le souvenir de cette nuit, de cet amour par effraction, sans qu’elle le sût”, précisera le héros quelques pages plus tard. À la fin, Tristan se suicide, pour la forme, laissant son fils Alexis seul, mais avec ce bouleversant témoignage de 200 pages comme legs. Le livre se clôt sur une note d’Alexis : “Papa, ton histoire est formidable. Je suis fier de toi. Mais t’aurais jamais dû me laisser seul avec ton secret”. De quel secret parle-t-il ? Du cambriolage ?
La figure “récurrente” du gynécologue
Les hommes, chez PPDA, s’appellent souvent Alexis. Quand l’auteur donne l’honneur à ses personnages féminins d’avoir un patronyme, Alexis devient alors Alexis d’Orgel ou Dorgel, nom de plume du journaliste lorsqu’il fut critique de cinéma pour Valeurs actuelles dans les années 1960.
Il ne faut pas forcément imaginer Alexis Dorgel comme le double littéraire de PPDA. Car dans La Traversée du miroir (Balland, 1986), son livre sur la crise de la quarantaine écrit quand il avait 40 ans, Alexis y est “gynécologue parisien, marié, sans enfant”. On peut voir que les héros des romans n’ont rien à voir avec le présentateur écrivain. La gynécologie est l’un des métiers les plus représentés dans l’œuvre littéraire de PPDA, davantage que le journalisme, et elle est toujours exercée par des hommes (Un enfant (Albin Michel, 2001) ou J’ai tant rêvé de toi (Albin Michel, 2007), par exemple).
“C’est bien connu, les rapports des femmes avec leur gynécologue ne sont pas très clairs”, confie l’obstétricien-narrateur dès la quatrième page. “C’est dans les yeux de leur mari que je le lis, plus que dans les leurs. Il n’est pas un homme pour laisser, de confiance, partir sa femme chez ce médecin aux pratiques si obscures. Qu’explore-t-il d’elle lorsqu’elle se déshabille ? Je pourrais leur répondre. Le trouble est réciproque, jamais parfaitement étouffé par la fréquentation mécanique de corps offerts comme des points d’interrogation. Ces femmes furent petites filles, bébés, fœtus ; demain, elles accoucheront à leur tour. Le temps d’un passage dans mon cabinet, elles sont à moi, profondément confiantes, même pour les plus pudiques d’entre elles. Elles ne savent rien de leurs entrailles ; je peux les délivrer.”
Après ce bref préliminaire théorique, la pratique : l’oie blanche (expression récurrente pour qualifier une femme dans les livres de PPDA, tout comme “sotte” ou “idiote”) qui entre alors dans le cabinet du docteur Dorgel (qu’on a très vite envie d’appeler Dorcel, bizarrement) semble sortie d’une photo de David Hamilton. “ – Voulez-vous que je vous ausculte ? Ses yeux chavirent. Elle est venue pour ça, sans se l’avouer. (…) – Les pieds dans les étriers, je vous prie. Oui, calez bien vos pieds. Ça ne fait pas mal. Une simple auscultation digitale ; la plus sûre… (…) Quand j’ausculte, ma main gantée explore les profondeurs. Ce jour-là, elle n’est pas innocente. Elle s’assure de la domination que j’étends sur ce corps, froidement, cliniquement, sous le couvert inattaquable de la science. (…) Elle fait “aïe !” et grimace en contractant le corps. (…) Je me détourne, ôte les gants avec l’agilité d’un prestidigitateur à la fin de ses tours.”
Un vrai coup de baguette magique. Il avait pourtant dit que ça ne ferait pas mal. Le docteur confesse ensuite : “J’ai envie d’elle. Il m’est difficile d’oublier mon cabinet et ce fantasme jusqu’alors inassouvi (…) S’il m’arrive assez souvent, je le reconnais, de draguer mes clientes, je ne profite jamais de la situation. (…) Par esthétique plus que par déontologie, j’ai une sainte horreur de ce cabinet pour lieu d’amour”. Une vraie morale d’esthète.
“Aucune femme dans aucun roman de PPDA ne se refuse aux avances d’un personnage masculin.”
Poivre l’écrivain est un insatiable curieux. Pas seulement des femmes et de gynécologie, mais aussi et surtout d’histoire. Il nous fait voyager dans le temps, comme il navigue sur les mers, pour nous faire revivre les grandes pages de l’Histoire de France.
Un héros de passage (Albin Michel, 1996) porte bien son titre car le héros passe complètement à côté de la Révolution de 1848, préférant gourgandiner avec une lavandière “émoustillé par ces fesses gaillardes, provocantes. (…)” Le héros “n’était que désir, que sexe érigé vers sa proie…” La proie est évidemment capturée au bout de quelques lignes, aussi facilement qu’une grive à la chasse à la glu.
Aucune femme dans aucun roman de PPDA ne se refuse aux avances d’un personnage masculin. Certaines attendent parfois quelques lignes, rarement plus d’un chapitre. Sauf dans J’ai aimé une reine (Fayard, 2003), un des ses best-sellers, qui imagine un amour platonique entre Gilbert de La Fayette et Marie-Antoinette. L’explication nous est donnée à la toute dernière page : “Il n’avait pas compris, sur le moment, pourquoi elle lui avait si dédaigneusement refusé la main. Aujourd’hui, il savait. Elle était d’une essence supérieure.” Seule une reine pouvait résister au charme d’un héros d’arvorien. Ce qui n’est pas le cas de Touffie, l’un des meilleurs personnages du livre et probablement de toute l’œuvre de PPDA.
Touffie, “dont l’histoire n’a pas gardé la trace”, précise l’auteur dans une note de fin, autrement appelée “la beauté noire”, “la perle Noire” ou “la très experte Touffie”, est une esclave que La Fayette rencontre lors de son périple en Amérique. “Il n’avait jamais connu sensualité aussi débridée. Ils poussèrent la porte de la chambre collés l’un à l’autre, elle le jeta sur son lit et s’employa à le déshabiller comme un petit garçon. Il se laissa faire, tint des propos incohérents, elle en profita.”
Le lendemain, Touffie est offerte comme esclave à La Fayette mais il se récrie et s’insurge. “Il détestait toute idée de contrainte et d’assujettissement”. Suivent deux pages rondement menées sur l’abolition de l’esclavage et les valeurs des Lumières, avant que Touffie ne soit finalement affranchie. “Elle se jeta à ses pieds et supplia : – Emmenez-moi, monsieur le Français !” La femme nouvellement affranchie passera désormais au statut plus officieux d’esclave sexuelle. Elle apparaîtra sporadiquement chaque fois qu’il faut réconforter « son dieu et son libérateur.” “Sa sensualité était exceptionnelle (…) la jeune négresse miaulait et gémissait comme une chatte.”
“Sa peau était cuivrée et sentait comme il se doit la vanille.”
De retour en France, boudé par la reine et les femmes de sa cour, le héros est forcé d’admettre : “Dieu que les femmes sont compliquées !, se dit Gilbert qui préférait le mode de fonctionnement plus sobre et limpide d’une Touffie.”
Dans Les Femmes de ma vie, ouvrage autobiographique, un chapitre est consacré à “Anne-Marie, la Dame Créole”, où PPDA fait voler en éclats tous les clichés, prouvant qu’il ne s’intéresse pas qu’aux blondes ou aux jeunes anorexiques, comme il a été affirmé dans plusieurs enquêtes journalistiques, mais qu’il sait succomber aux voluptés des femmes des îles. “Sa peau était cuivrée et sentait comme il se doit la vanille. Elle ne dormait jamais qu’après avoir lu la Bible. (…) Purification de mes audaces et de mes dérèglements.”
Les vierges et les maladies vénériennes
Dans ce livre confession, PPDA avoue sa phobie des maladies vénériennes. Mais Anne-Marie le protégeait car elle était “si pudique, entrouverte, protégée de la souillure par un écrin de lamelles aussi impénétrables que les branchies des sirènes. Nulle moisissure ne pouvait l’atteindre. Tout en elle se purifiait à mesure.” Dans un autre chapitre, il développe sa méthode naturelle pour se prémunir contre les IST et MST : “J’ai peur de ce qui pourrit, de la moisissure, des champignons qui s’installent au creux d’une humidité, d’une faute, d’un laisser-aller. J’aime les terrains vierges, les femmes vierges et vagues, les maquis inviolés. J’aime les pénétrer parce que je me crois immunisé contre l’impureté.”
Les vierges sont l’obsession de PPDA, le mot revient à 27 reprises dans Les Femmes de ma vie. Dans le chapitre “Jehanne, ardente…”, il révèle son amour, à l’époque de son adolescence rémoise, pour une certaine Frédérique, sa voisine, fille d’un inspecteur de police. Chaque année, pour ses fêtes johanniques, Reims choisit “la Pucelle (..) parmi des centaines de lycéennes et jeunes filles ; celle qui, à cheval (…) serait Jeanne le temps d’un défilé. (…) Une damoiselle à qui, timide, je n’osais même pas parler au détour de la rampe d’escalier. Pourtant une envie féroce de la coincer entre deux étages, avec un peu de cette sauvagerie des bourreaux de Jeanne, la vraie.” Rappelons devant cette rêverie porno-féodale, que c’est bien Poivre d’Arvor qui parle en son nom et non le narrateur d’un roman. “De ce jour, Frédérique me devint interdite. On ne viole pas Jeanne d’Arc dans une cage d’escalier entre deux cours du matin et de l’après-midi, à l’heure où l’inspecteur de police revient déjeuner. (…) Ce soir encore, je m’en veux de cette indéracinable timidité qui m’empêcha de te voler ce secret lové au creux des cuisses un jour de printemps 1960, sur le palier d’un immeuble rémois où je rêvais de mon éducation sentimentale. Vive ou morte, brûlée ou mariée, ma Jeanne, tu me resteras toujours vierge, unique.”
“Moi, le coureur de jupons, il me semble qu’une femme payée, ne serait-ce qu’une seule fois, est une femme souillée.”
Dans La Mort de Don Juan (Albin Michel, 2004), qui cette fois-ci est un roman, le narrateur approfondit ce tropisme d’arvorien pour la virginité féminine : “Contrairement à Byron, je n’ai jamais couché de ma vie avec une catin. Non que je les méprise ou qu’un interdit moral m’empêche de les approcher, mais je les plains. Et je ne veux pas leur imposer une salissure supplémentaire. Je suis un intégriste du sexe, un forçat de l’innocence amoureuse. Moi, le coureur de jupons, il me semble qu’une femme payée, ne serait-ce qu’une seule fois, est une femme souillée. Quand j’ai eu besoin, pour d’obscures raisons, de me venger de la gent féminine, il m’est arrivé, comme le faisait Byron, de déflorer une ou deux vierges juste pour les marquer à vie, histoire de planter mon drapeau en terrain inviolé, et, comme lui, à peine ce nouveau territoire conquis, je reprenais mon trophée et le déposais ailleurs, plus par dégoût de moi que par jeu.”
“J’aime les femmes. J’ai toujours aimé les femmes, la compagnie des femmes, le parfum des femmes. Sans doute leur ai-je été fidèle, en dépit de toute apparence”, écrit-il dans la préface des Femmes de ma vie. “J’aime la femme comme espèce, comme on le dit d’un minéral ou d’un végétal. Je l’aime comme curiosité, comme gouffre où noyer le savoir. (…) J’ai besoin de fantasmer ma vie, j’aime donc les femmes fantasmatiques, celles qui m’ont effleuré quelques secondes et m’ont empli de rêves, et peut-être de grâce, pour les années à suivre.” Les Femmes de ma vie peut être considérée comme son œuvre maîtresse. À plus d’un titre, car sa publication arrive juste après la privatisation de TF1 au moment où le journaliste devient la star du 20 heures. En 4e de couverture, l’ouvrage est qualifié d’ “autobiographie imaginaire”. Un précieux rappel pour ne pas confondre l’auteur et le narrateur puisqu’il “se souvient entre songes et mensonges, de ses rencontres.”
Docteur Jekyll et de M. Hyde
Dans son Éloge des écrivains maudits (Philippe Rey, 2017), (80 auteurs : 67 hommes, 13 femmes), un chapitre est consacré à Louis Althusser, philosophe devenu célèbre après ses travaux sur Marx, et plus tristement pour avoir étranglé sa femme et fini dans un hôpital psychiatrique. PPDA déclare : “Le thème de la dualité m’a toujours fasciné : un être humain peut-il être double ? Peut-il présenter deux visages ? (…) Les psychiatres, les neurologues n’en auront jamais fini (..) de tenter de comprendre pourquoi et comment certains individus peuvent y abriter des monstres, des avatars mortifères qui, parfois, sommeillent en leur sein toute leur vie d’homme.” Poivre d’Arvor y avoue ensuite une fascination pour L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, “Un véritable choc narratif” où le héros “estimé par la “bonne société” pour son humanisme et ses œuvres caritatives, à l’état “normal” – partage sa vie avec un autre “soi”, un être abject et ultraviolent qui n’est en réalité qu’une métamorphose monstrueuse, terrifiante de lui-même.”
PPDA y parle ensuite très peu de l’œuvre philosophique d’Althusser. “Je ne suis pas un grand amateur du marxisme structuraliste”, avoue-t-il en se référant principalement à L’avenir dure longtemps, l’autobiographie posthume d’Althusser où l’intellectuel revient sur son féminicide.
En choisissant de nous borner à la production littéraire de PPDA, sans nous immiscer dans sa vie privée, nous n’avons pas simplement séparé l’homme et l’œuvre, mais nous nous sommes inscrits dans le plus pur respect de sa doctrine développée dans deux essais parus à la fin du siècle dernier. Le premier, Lettre ouverte aux violeurs de vie privée (Albin Michel, 1997) cache derrière un titre qui peut laisser perplexe, une attaque irréprochable contre la presse people et les paparazzi.
Le second, sommet de son œuvre théorique, brûlot contre notre société de la transparence et véritable manifeste pour le droit au secret, il l’a co-écrit avec Eric Zemmour, alors journaliste politique au Figaro. Dans Les Rats de garde (Stock, 2000), ils ouvrent sur un “Prologue-fiction” imaginant un futur proche où un nouveau journal, Le Vengeur musqué veut faire concurrence au Canard enchaîné et qui, pour booster ses ventes, décide, ce que s’est toujours refusé l’hebdomadaire satirique, de révéler les frasques intimes de nos élu·es.
Ce prologue cauchemardesque où même Édouard Balladur est accusé de harcèlement par sa secrétaire pour lui avoir offert une coupe de champagne en reluquant ses gambettes, se finit au soir de l’élection présidentielle du 21 avril 2002, alors que Le Vengeur musqué a fait tomber tous les candidats à coups de révélations scabreuses, avec un duel Raymond Barre-Jacques Delors. Une vraie débandade.
“Réveillons-nous. Ce n’était qu’un rêve. Un cauchemar pour les uns, un fantasme pour d’autres”, nous rassurent aussitôt les auteurs avant d’enchaîner : “On cherche à forcer l’un des plus beaux secrets de chacun, sa vie privée, à étaler au grand jour ce qui par nature ne se résume pas, ne s’explique pas, ses coups de cœur, ses amours”. Chacun appréciera le bel euphémisme du “coup de cœur” qui jamais ne tombe sous le coup de la loi.
#MeToo avant l’heure
Les deux journalistes, ébranlés par l’affaire Monica Lewinsky (qui eut lieu États-Unis en 1998-1999), ont écrit le livre dans la foulée pour nous mettre en garde sur cette dérive de transparence qui nous menace depuis l’Amérique. Il faut attendre les dernières pages du livre pour arriver au cœur du sujet et des préoccupations des deux journalistes : “Les relations entre hommes et femmes sont sévèrement réglementées; les audaces des jeunes garçons réprimées sans pitié. (…) C’est dans ce contexte proprement idéologique, qu’il faut appréhender les lois sur le harcèlement sexuel. Il ne s’agit pas seulement de réprimer les petits chefs, les seigneurs de bureau, mais de limiter toute relation entre les sexes. Toute séduction est violence, tout désir est guerre, tout secret est aliénation. Il faut l’exhiber, pour mieux le réprimer. […] Pour l’instant, nous n’en sommes qu’aux prémices. Nous testons sur nos cobayes : chanteurs, comédiens, sportifs, princesses. Journalistes. Politiques. Et demain, vous, toi, moi. Nous tous.” Ainsi se finit l’ouvrage. Moi aussi, #metoo, s’est chargé de rajouter l’Histoire.
PPDA, ce passionné d’Histoire, dont la prose et le style désuets ont toujours eu plusieurs décennies voire quelques siècles de retard avait pour une fois vingt ans d’avance. Atavisme de marin, il avait senti au doigt mouillé que le vent tournerait. Il l’avait écrit. Il avait “écrit beaucoup, trop peut-être” de son aveu même. On avait juste omis de le lire.
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