Comment réinventer nos manières d’habiter le monde aujourd’hui ? En valorisant le féminin., nous explique l’autrice dans “De la génération – Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production”.
L’écoféminisme propose un récit politique qui lie la destruction de la nature aux différentes formes d’oppression des femmes, et cherche à conjurer les effets délétères de la modernité viriliste et extractiviste. Souvent accusé·es d’essentialiser une nature féminine, les écoféministes ont pourtant formulé des propositions qui, selon la philosophe latourienne Émilie Hache, sont autant de manières de repenser les conditions d’habitabilité sur terre. Un monde où le “paradigme de la génération” a été remplacé par celui de “la production”. Car l’exploitation sans limites du monde vivant se mêle directement à la dévalorisation du féminin et à sa “puissance générative”.
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En faisant la généalogie complexe de ce changement de paradigme, la philosophe convoque des pans mal connus de la théorie féministe, de Silvia Federici à Carolyn Merchant, de Starhawk à Val Plumwood, dont les PUF ont publié ce mois-ci un texte majeur, La Crise écologique de la raison. Toutes ces penseuses ont établi le parallèle entre la transformation de la nature en ressource exploitable à l’infini et la dégradation des conditions des femmes.
À son tour, Émilie Hache s’attache à penser la mutation écologique au regard de cette tradition pour en faire le creuset possible d’un renversement politique visant à “réarticuler la question des rapports de genre et celle de la (re)génération du monde, pour tenter d’arrêter le désastre en cours et sortir de notre société extractiviste”. L’autrice observe d’ailleurs que “le rapprochement qu’elles ont inauguré entre la destruction du monde vivant et la violence des sociétés modernes envers les femmes semble devenu intuitif pour la jeunesse engagée dans les luttes pour le climat, qui ne cesse de jouer avec la littéralité de l’homologie entre les femmes et la terre – la planète, la nature, Gaïa, etc. – dans ses slogans”.
Tel que le rappelait un slogan lors d’une manifestation pour le climat en 2019 – “la structure patriarcale ne peut pas supporter le poids du changement climatique” –, l’enquête d’Émilie Hache appelle à transformer en profondeur nos manières d’habiter la Terre, à se réapproprier la dimension féminine de nos liens avec le monde vivant, à l’image du concept central de “corps-territoire” défendu par le féminisme sud-américain.
Surgi des marges de la pensée politique actuelle, mais du cœur de la philosophie écoféministe la plus audacieuse, l’essai d’Émilie Hache génère plein d’idées pour “affronter les bouleversements que nous avons provoqués”. Pour qu’enfin nous écoutions ces militantes chantant : “Ma planète, ma chatte, sauvons les zones humides !”
De la génération – Enquête sur sa disparition et son remplacement par la production d’Émilie Hache (Les Empêcheurs de penser en rond), 272 p., 19 €. En librairie.
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