Inventant L’OuSexPo et autres figures de style, cette BD pour adultes de Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann livrent des cadavres exquis pornographiques.
C’est un schéma éprouvé par nombre de romans policiers : un homicide mystérieux oblige un détective ou une enquêtrice à découvrir le milieu secret que fréquentait la victime. Après une plongée étonnante dans cet univers clos, le ou la coupable finit par être démasqué(e).
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Si Polaris fait sienne cette trame déjà lue, l’ambition de cet album qui navigue entre les genres – mais n’est pas à mettre entre toutes les mains – ne se limite pas au suspense du thriller. Effectivement, grâce à une mécanique bien huilée alternant présent et flash-backs, on finit par connaître les circonstances du meurtre qui déclenche tout.
Un cercle libertin qui stimule sa libido via les écrivains de l’Oulipo
Mais, au-delà de la résolution criminelle, ce qui importe vraiment aux deux auteurs semble davantage tenir à la représentation du désir et à une réflexion autour des moyens de transformer (littéralement) la sexualité en art créatif.
Au centre de cette BD soufflant le chaud et le froid, on trouve en effet un cercle libertin qui stimule sa libido en imitant les écrivains de l’Oulipo – qui s’imposent des contraintes pour mieux jouir de leur plume. Une partie du charme de Polaris vient des jolies inventions qui jalonnent l’intrigue, telles que “l’érosismogramme” ou les cadavres exquis pornographiques.
Ces trouvailles de Fabien Vehlmann renouvellent en profondeur l’imaginaire de la bande dessinée érotique. Le soin apporté à la psychologie des personnages et à leur sensibilité permet, lui, d’éviter les écueils de la BD d’autrefois comme le machisme et le phallocentrisme.
Une des grandes réussites du livre vient ainsi de la crédibilité apportée au personnage principal, la policière Jeanne, qui enquête le jour et, la nuit, vit librement ses fantasmes. Si la BD procure parfois des frissons en nous transformant en voyeurs, Gwen de Bonneval dessine les scènes explicites d’un trait sensuel et sobre qui ne dérape jamais dans la vulgarité. Huit ans après Les Derniers Jours d’un immortel, la paire Bonneval et Vehlmann se reforme pour aborder – après la quête d’éternité – un autre pan essentiel de l’humanité.
Polaris ou la Nuit de Circé (éditions Delcourt), 160 p., 19,99 €
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