Trois romans emblématiques et un recueil d’articles de l’autrice américaine disparue récemment auscultent la complexité des relations avec autant de tendresse que d’humour.
Lorsqu’on relit ses romans, on mesure avec quelle liberté Alison Lurie a su débusquer l’hypocrisie de nos sociétés contemporaines. Née en 1926 à Chicago, l’universitaire et autrice de Liaisons étrangères (prix Pulitzer 1985) est morte à Ithaca dans l’Etat de New York en décembre dernier.
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Rivages, son éditeur historique en France, lui rend hommage en rééditant trois de ses titres emblématiques et en publiant un recueil de textes critiques inédits en français, Personne ne t’a demandé d’écrire un roman, un petit ouvrage passionnant, indispensable pour comprendre comment s’est construit l’espace romanesque de Lurie.
Conflits de famille, Comme des enfants et La Vérité sur Lorin Jones, publiés respectivement en 1974, 1979 et 1988, sont des chefs-d’œuvre d’intelligence et de causticité. Car Lurie excelle à débusquer et mettre en scène les bassesses qui se cachent derrière la façade des familles bourgeoises. Ainsi dans Comme des enfants, où le monde des adultes est observé par une petite fille. Ainsi dans Conflits de famille, qui campe un prof d’université, sa femme et ses jeunes conquêtes.
Dans l’atelier d’Alison
La Vérité sur Lorin Jones (prix Femina étranger 1989) est sans doute le plus riche de ces trois titres. Afin d’écrire la biographie d’une artiste disparue, une jeune chercheuse rencontre ses proches. Dans cette délicieuse galerie de portraits se déploie la particularité d’Alison Lurie, autrice féministe qui ne se contente pas de dénoncer la misogynie. Avec la même jubilation, elle s’attaque à toutes les conventions, y compris celles qui s’installent dans des catégories de la population supposées progressistes.
Personne ne t’a demandé d’écrire un roman, ensemble d’articles d’abord publiés dans des revues, donne l’impression d’entrer dans l’atelier d’Alison Lurie. Certains sont d’étonnants textes critiques, où l’écrivaine propose par exemple une analyse féministe de la signification de l’action de tricoter dans le roman anglais. Mais les plus intéressants sont ceux dans lesquels elle évoque sa jeunesse.
Apparaît alors une époque pas si lointaine mais édifiante, où les femmes étaient censées s’épanouir dans leur rôle de mère, et seulement dans celui-là. Une époque où Alison Lurie tentait de trouver du temps pour écrire, quand ses proches l’encourageaient à laisser tomber cette lubie et lui répétaient : “Personne ne t’a demandé d’écrire un roman.”
Conflits de famille (Rivages poche), traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-Claude Peugeot, 358 p., 8 €.
Comme des enfants (Rivages poche), traduit de l’anglais (États-Unis) par Marie-Claude Peugeot et Gérard Piloquet, 320 p., 9,70 €
La Vérité sur Lorin Jones (Rivages poche), traduit de l’anglais (États-Unis) par Sophie Mayoux, 404 p., 9,70 €.
Personne ne t’a demandé d’écrire un roman (Rivages poche), traduit de l’anglais (États-Unis) par Charlotte Du Cap, 96 p., offert pour l’achat de deux romans d’Alison Lurie
En librairie
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