A travers un recueil de microrécits, l’architecte Philippe Rahm restitue ses émotions comme autant de phénomènes climatiques. Une première réussie.
L’architecte suisse Philippe Rahm est connu pour substituer aux éléments traditionnels de sa discipline (le mur, le plafond, la colonne) des éléments météorologiques : la lumière, l’air ou la vapeur d’eau, par exemple, deviennent la matière première à partir de laquelle il travaille.
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Dans ce premier texte littéraire, ses dix-sept microrécits révèlent d’abord son rapport singulier au monde : une sorte de don, développé depuis l’enfance, lui permet non seulement d’observer avec acuité les éléments naturels qui l’entourent dans leurs moindres détails, mais aussi de les relier à ses sentiments les plus complexes.
il analyse ses émotions en fonction de paramètres météorologiques
Chaque nouvelle revient sur l’un de ces instants d’une vie qui peuvent être décisifs, mais dont on ne garde souvent qu’un souvenir flou. Philippe Rahm sait sonder sa mémoire, non comme le firent Proust ou Borges, mais bien à la façon d’un météorologue. Le début d’un flirt d’adolescence, l’émerveillement d’un moment passé avec son fils ou encore le choc brutal d’une séparation sont ainsi remémorés au regard des espaces dans lesquels ils s’inscrivent et de leurs conditions atmosphériques.
Chaque scène est rattachée à un état spécifique se rapportant à la météorologie (“inertie”, “effet de serre”, “condensation”, “climatisation”), chaque émotion analysée en fonction de paramètres comme la pression de l’air, la température, l’humidité. Dans “Inertie”, lui et ses amis profitent de l’inertie générale d’une journée caniculaire pour entreprendre leur monitrice Corinne. Plus tard, ils ouvrent sans bruit la porte de sa chambre pour la découvrir nue sur son lit. “J’en ai rougi”, précise un diagramme qui montre l’afflux de son sang dans son corps du cœur aux joues.
Projeté dans cette “météorologie des sentiments” du narrateur, le lecteur peut en percevoir l’invisible ou l’indicible, ce qui se passe dans son corps comme dans la pièce où il se tient. Minutie de l’observation, précision des souvenirs : Philippe Rahm réussit haut la main son entrée en littérature.
Météorologie des sentiments (Les Petits Matins), 104 pages ,12 €
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