Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L, est décédé dans un accident de voiture le mardi 2 janvier. Il avait découvert Guillaume Dustan, Marie Darrieussecq, et tant d’autres.
C’est avec un immense chagrin que l’on a appris ce matin la disparition d’un des plus grands éditeurs français : Paul Otchakovsky-Laurens, le fondateur des magnifiques éditions P.O.L, est mort dans un accident de voiture à Marie-Galante (Petites Antilles) le 2 janvier. Il avait 73 ans, une joie de vivre démesurée alliée à un goût pour la fête, lui qui aimait tant danser, partager des moments joyeux avec les auteurs qu’il publiait et qui, pour la plupart, étaient devenus ses amis. C’était un homme charmant, d’une délicatesse rare, un sourire ou un rire toujours prêts à éclater sur ses lèvres, une étincelle d’humour affleurant aux coins des yeux.
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Il a su découvrir Marie Darrieussecq, Santiago Amigorena ou encore Guillaume Dustan, publier l’avant-garde de la poésie contemporaine, d’Olivier Cadiot à Pierre Alferi, devenir l’éditeur de Georges Perec et de Marguerite Duras. Ses auteurs le respectaient, l’aimaient, et lui restaient fidèles, tel Emmanuel Carrère qui a mis un point d’honneur à continuer à publier chez lui.
Editeur de Perec et de Duras
P.O.L, trois initiales qui sont devenues plus que la réduction de son nom : l’emblème d’une littérature intransigeante, exigeante, se permettant audaces formelles, fantaisie, même une certaine excentricité (lire le nouveau roman de Jean Rolin, Le Traquet kurde, qui sort cette semaine), trois lettres symboles d’une véritable élégance, loin des académismes ambiants et des faux livres lancés pour faire du chiffre.
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Né en 1944 à Valréas dans le Vaucluse, Paul Otchakovsky-Laurens passe son enfance à Sablé-sur-Sarthe. Il a appris le métier d’éditeur en devenant lecteur chez Christian Bourgois. Au début des années 1970, il fonde la collection “Textes” chez Flammarion, puis en 1977, la collection “P.O.L” chez Hachette, où il publiera La Vie mode d’emploi de Perec en 1978. C’est cinq ans plus tard, en 1983, que “P.O.L” devient une maison d’édition, dont le premier succès sera rien de moins que La Douleur de Marguerite Duras.
Sa méthode de travail, c’était avant tout de savoir lire, de suivre son instinct, et de respecter les auteurs. Il aimait ou n’aimait pas leurs textes, les publiait ou pas, mais s’il les publiait, il demandait peu ou alors pas du tout de changements de la part de l’auteur, se refusant à toute intrusion dans un texte qui n’était pas le sien. De son côté, il avait choisi le cinéma en réalisant deux films : Sablé-sur-Sarthe, Sarthe (2009), où il racontait un traumatisme d’enfance, celui d’avoir été abusé, et enfin Editeur (2017), un film expérimental autour de sa vocation d’éditeur.
Toutes nos pensées tristes vont aujourd’hui à sa compagne, l’artiste et écrivaine Emmelene Landon (blessée dans l’accident qui a couté la vie à Paul Otchakovsky-Laurens), à ses enfants, à son ami de longue date et bras droit aux éditions, Jean-Paul Hirsch, ainsi qu’à tous les écrivains qu’il a publiés. La maison P.O.L continuera-t-elle sans son fondateur ? Difficile à imaginer, tant celui-ci en fut l’âme et le corps. Il ne sera pas oublié.
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