En parfait maître du récit, Michel Rabagliati pose son regard sur son adolescence sur fond d’olympiades montréalaises.
Après la sortie de la petite enfance dans Paul au parc, Michel Rabagliati s’intéresse à une autre étape charnière de l’existence de son double de papier. En 1976, Paul va sur ses 16 ans. C’est un grand dadais boutonneux, naïf, un peu rêveur, en conflit perpétuel avec ses parents.
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Comme le futur chalet familial ou le stade olympique de Montréal, il est en pleine construction. Paul dans le Nord relate cette année où l’amour, les copains et les expériences vont faire de lui un jeune homme.
Effets de style
Les tourments de l’adolescence sont un marronnier de la bande dessinée d’auteur, mais Paul dans le Nord se détache des ruminations ordinaires. Ce n’est pas le journal intime d’un honnête gribouilleur, mais le récit parfaitement maîtrisé d’un amoureux de la BD qui en possède le langage sur le bout des doigts. Scénario, mise en scène, dessin : tout concourt à la clarté d’un album qui commande de tourner la page.
Evitant les effets pesants ou les détails sursignifiants, Michel Rabagliati ne s’interdit pas en revanche des effets de style d’autant plus efficaces qu’ils sont parcimonieux (comme la disparition soudaine des cases théâtralisant la scène de rupture entre Paul et Linda).
Planche merveilleuse consacrée à Nadia Comaneci
Grâce à cette maîtrise formelle, il tire le meilleur de l’autofiction, soit la capacité à être autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son personnage. Michel Rabagliati est suffisamment Paul pour retrouver les émotions de ses 16 ans, mais il a aussi assez de recul pour s’en détacher et faire de lui un personnage parmi d’autres.
Ainsi, lors du premier rendez-vous avec Linda, on rit autant qu’on souffre de voir Paul commettre à peu près toutes les gaffes imaginables, tandis que la planche merveilleuse consacrée à Nadia Comaneci, l’héroïne des Jeux de 1976, suffit subitement à rattacher Paul au reste de l’humanité.
Habile et juste, Paul au Nord démontre qu’il n’est pas nécessaire d’étaler de bons sentiments pour être touchant ou de s’exhiber pour parler de soi. Il suffit de savoir raconter une histoire.
Paul dans le Nord (La Pastèque), 184 pages, 23 €
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