Maîtresse de conférences en histoire à l’université Paris-Nanterre, Patricia Sorel fait paraître une Petite Histoire de la librairie française soulignant l’indispensable rôle des libraires dans la circulation des idées.
Nous allons fêter les quarante ans de la loi Lang. Quels ont été ses effets sur les librairies ?
Patricia Sorel — Depuis le 1er janvier 1982, l’éditeur fixe le prix de vente du livre et le détaillant ne peut pratiquer un rabais supérieur à 5 %. Les livres ne peuvent être soldés que deux ans après leur parution. La loi Lang a permis le maintien d’un réseau très dense de librairies sur tout le territoire et elle est un soutien à la diversité éditoriale, les librairies traditionnelles étant des relais essentiels pour la diffusion des livres qui ont besoin de temps pour trouver leur public.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
>> A lire aussi : De l’Ancien Régime au confinement, la “longue marche” des librairies françaises
Acheter un livre en librairie est considéré comme un acte citoyen, en particulier depuis le confinement. Comment expliquez-vous cet attachement ?
Acheter un livre en librairie apparaît effectivement comme un acte citoyen qui permet de préserver l’emploi et la vitalité des centres-villes. Aller en librairie, c’est aussi privilégier le contact humain, avoir le plaisir de flâner parmi les rayons, bénéficier d’un conseil personnalisé.
Certains libraires ont vu, dans l’apparition et le développement du libre-service, une menace pour leur “vocation culturelle”
La librairie a longtemps conservé une image élitiste. Peut-on considérer qu’elle a réussi à s’ouvrir à un public plus large dans la deuxième moitié du XXe siècle ?
Dans les années 1950-1960, l’apparition et le développement des supermarchés et des hypermarchés génèrent de nouvelles pratiques de consommation. Les libraires vont prendre en compte ces évolutions et modifier, en conséquence, leur espace et leurs pratiques de vente : les allées de circulation s’élargissent, l’accessibilité aux rayonnages se généralise, les rayons sont réorganisés en sous-rayons. La multiplication des collections de poche amène aussi les libraires à créer des rayons, puis des espaces de poches.
La pratique du libre-service dans les librairies a-t-elle entravé la vocation des libraires, celle de “servir le livre” ?
Certains libraires ont vu, dans l’apparition et le développement du libre-service, une menace pour leur “vocation culturelle”. Mais la production éditoriale pléthorique rend le rôle de conseil du libraire d’autant plus essentiel. Le libraire peut être aussi celui qui fait le succès d’un livre, comme La Salle de bain de Jean-Philippe Toussaint (Les Editions de Minuit, 1985), tiré à seulement 2 110 exemplaires et dont les ventes atteignent 50 000 exemplaires huit mois après sa sortie.
Petite Histoire de la librairie française (La Fabrique), 248 p., 15 €
{"type":"Banniere-Basse"}