A travers un robot nommé Orfex, Patrick Laurent livre une réflexion sur les origines et la mortalité.
Cela fait des années que les robots et leurs algorithmes ont pris d’assaut la musique, le cinéma, et jusqu’à nos cuisines et nos vies sentimentales. Mais la littérature ? Ce royaume de l’âme humaine, du sensible, du mot juste, qui résiste à toutes les règles ? Impossible de la réduire à une intelligence artificielle faite de zéro et de un !
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En 2013, dans son premier roman, Comme Baptiste, Patrick Laurent se penchait sur les questions d’identité liées à l’insémination artificielle. Avec Orfex, il entérine son intérêt littéraire pour les avancées biologiques et ses effets sur les relations humaines en laissant sa plume à un robot nommé Orfex.
“J’ai décidé de faire de moi un sujet de roman”
“J’ai décidé de faire de moi un sujet de roman”, annonce-t-il dès la première page. Ainsi donc la machine s’empare-t-elle, avec une assurance pas du tout humaine, de la littérature. Mais un autre personnage fait rapidement son entrée, et vient lui disputer son statut tout-puissant de narrateur : Alix est la “mère” d’Orfex, sa créatrice, l’origine bien identifiée de son monde.
Contrairement aux humains, les robots – aussi sophistiqués soient-ils – ne peuvent s’engendrer eux-mêmes, et qu’ils haïssent ou qu’ils adorent leur inventeur, qu’ils s’y soumettent ou s’en émancipent, ils ne peuvent faire mine d’ignorer cette filiation. Mais voilà, Alix est condamnée (on lui a diagnostiqué une tumeur au cerveau), et de toute façon, depuis la mort de son père il y a huit mois, elle s’étiole et se meurt, au propre comme au figuré.
Histoire d’amour incestueuse
Mêlant les voix de la créature et de sa créatrice, Patrick Laurent nous entraîne dans une épopée de quelques jours où se bousculent une poignée d’intrigues parallèles, jetées là comme pour détourner notre attention de ce qui se joue réellement ici, entre la femme et son invention : une histoire d’amour incestueuse, la prise de pouvoir de la chose par le langage, la défaite annoncée du mortel par le technologique, mais surtout la victoire de la littérature.
Car là où Patrick Laurent excelle, c’est quand il laisse parler son robot, pour qui il invente un style d’une belle imagination poétique, celui d’un enfant qui aurait à sa disposition tous les mots du dictionnaire, mais pas l’expérience pour les agencer. Un petit tour de force.
Orfex (Gallimard), 286 pages, 21 €
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