Leïla Slimani, Nicolas Mathieu, Philippe Lançon, Constance Debré… Dans le numéro d’avril des Inrocks, 14 autrices et auteurs nous ont fait l’amitié d’écrire pour nous des textes sur le thème “Le pays dont vous rêvez”. Une pluralité de voix précieuses qui traduisent d’autant de désirs de changer le monde. Rendez-vous en kiosque ou découvrez ci-dessous nos offres d’abonnement.
On leur donne souvent la parole en les interviewant. Mais récemment, face à un monde de plus en plus fracturé, angoissant et violent, dans un monde où certain·es réécrivent l’Histoire ou propagent des fake news, dans un monde de plus en plus déréalisé à force d’images – sur toutes les chaînes, plateformes, réseaux sociaux, sur la multiplicité de nos écrans – qui nous hypnotisent, nous paralysent, nous avons éprouvé plus que jamais le besoin des mots des écrivain·es, de leurs voix, de leurs styles, de leurs pensées.
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Bref, du prisme de leur littérature pour nous traduire notre époque, nous aider à décrypter non pas le monde, mais la position de l’humain au cœur du monde. Pour nous aider à faire un pas de côté pour mieux penser à cet “aujourd’hui et maintenant et dans ce lieu précis”, et mieux agir sur lui. Alors, nous avons eu envie de dédier la quasi-intégralité d’un numéro, une (voire deux) fois par an, à des textes d’écrivain·es.
Un rendez-vous que nous appellerons “Fictions”, pour bien marquer la différence avec notre travail journalistique et tout travail médiatique, même si chaque invité·e a ici la liberté de s’approprier le genre qu’il ou elle souhaite, fiction ou non-fiction. Parce qu’on désire leur offrir un espace totalement libre pour s’exprimer sur certains sujets spécifiques, et hors du cadre de l’entretien, et toujours pour dire quelque chose de cette question : comment on fait avec ce truc qui s’appelle “la vie”, dans une société donnée, à un temps précis ?
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C’est bien avant la guerre en Ukraine que nous avons pensé à ce premier numéro Fictions, avec les élections en ligne de mire. Nous avons refusé un angle trop réducteur – la présidentielle et la politique française – pour un thème plus ouvert : “Le pays dont vous rêvez.” À interpréter comme chacun·e le souhaitait : ce pays peut être la France ou un symbole, une allégorie, ou un pays en guerre et quitté. Le rêve peut relever d’un idéal, signifier “là où je voudrais vivre”, ou au contraire être perçu comme un leurre, dont on ne peut ou ne veut plus s’offrir le luxe face à la gravité de l’époque. Nous nous sommes aussi bien gardé·es de leur imposer un genre : fiction, récit autobiographique, reportage littéraire… Qu’allait choisir chacun·e et comment ?
Essai, dystopie, onirisme…
Recevoir leurs textes, les découvrir, s’y plonger, a constitué l’un des moments les plus heureux de la conception de ce numéro. Bouleversant de lire l’autrice d’origine iranienne Maryam Madjidi, qui faisait partie des quatre auteurs et autrices (avec Mathieu Palain, Marin Fouqué et Kaoutar Harchi, également présent·es dans ce dossier spécial) à qui nous avons consacré la couverture de notre numéro de rentrée littéraire, nous racontant son rêve d’un Iran qui soudain ressemblerait à la France, où les femmes pourraient avoir la liberté des Françaises.
Bouleversant aussi de lire la mise en garde de Leïla Slimani quant au “rêve”, politique, et ces rêves qui l’ont bercée alors qu’elle était enfant au Maroc et ont brisé certain·es de ses proches. Car le pays rêvé, c’est parfois celui des origines, lieu d’une douleur car lieu de la violence, d’une meurtrissure, un pays qu’on ne retrouvera plus jamais, comme la Yougoslavie de Jakuta Alikavazovic qui explore ici le sentiment de non-appartenance qui caractérise tout·e enfant d’émigré·es.
David Diop met en scène Rêve, une jeune fille vivant dans un bidonville (appelé “ville-bidon”) dans un pays métaphorique de la misère du Sud, pour aborder le “rêve” des migrant·es. Philippe Lançon a choisi – comme d’autres, d’ailleurs, dans ce spécial Fictions – d’être entre dystopie et onirisme pour raconter un protagoniste nonagénaire passant l’été seul dans sa cave et son pays rêvé : l’œuvre de Balzac.
Aussi littéraire que philosophique, le texte de Constance Debré (Prix Les Inrockuptibles 2020 pour Love Me Tender) interroge la faillite du réel dans la réalité, qui nous donne sans cesse le sentiment que le réel n’existant pas, nous n’y existons nous-mêmes que très peu.
Directement politiques : Santiago H. Amigorena fouille le passé pas toujours clean de la France dans un texte sans illusions quant au présent et à l’avenir du pays ; Kaoutar Harchi signe, elle, un véritable manifeste pour la cause animale, à inclure aux côtés des combats antiracistes, anticapitalistes, féministes, pour déconstruire et reconstruire le monde ; Mathieu Palain nous emmène en banlieue pour nous parler d’une jeunesse déçue, qui se sent abandonnée sinon trahie par la classe politique française.
Aurélien Bellanger revisite la France à vélo pour nous rappeler son passé “merveilleux”, et Nicolas Mathieu raconte un dîner de Noël, faisant du microcosme familial le laboratoire d’une société comme miniaturisée – ça se terminera mal –, tandis que Marin Fouqué choisit d’appeler France une ex-championne olympique, protagoniste de sa nouvelle.
Côté dystopies encore, Simon Johannin nous plonge en plein cauchemar sanglant dans un monde qui semble post-apocalyptique ; enfin, Paul B. Preciado nous entraîne dans un futur où les êtres se seraient désidentifiés et refuseraient l’idée même de “pays”. À travers tous ces textes des désirs s’expriment. Ceux d’un changement.
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Crédits : Mathieu Palain, Marin Fouqué, Kaoutar Harchi et Maryam Madjidi Photo Raphaël Lugassy ; Leïla Slimani Photo Emma Birski ; Aurélien Bellanger Photo Felipe Barbosa ; Philippe Lançon Photo Denis Allard/Opale ; Santiago H. Amigorena Photo Marguerite Bornhauser ; Nicolas Mathieu Photo Hannah Assouline/Opale ; Constance Debré Photo Thomas Chéné ; Simon Johannin Photo Capucine Johannin ; Paul B. Preciado Photo SMITH ; David Diop Photo Vincent Muller/Opale
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