Onze livres de poche à emporter en vacances.
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Belphégor d’Arthur Bernède
Gaston Leroux a déjà publié Le Fantôme de l’Opéra (1910), et Pierre Souvestre et Marcel Allain ont fait paraître Fantômas en 1911.
Arthur Bernède (1871-1937), qui s’associera avec Leroux (et René Navarre) pour fonder en 1919, la Société des Cinéromans et concurrencer ces films à épisodes qui sont en vogue et viennent des Etats-Unis, commence à écrire des romans populaires dans cette mouvance très Edgar Allan Poe qui imprègne alors le roman français Belle Epoque.
C’est un peu plus tard, en 1927, qu’il invente sa propre histoire de fantôme et la publie en feuilleton dans la presse : ce sera Belphégor, du nom d’un fantôme assassin qui hante le Louvre.
Comme dans les romans de ses aînés, on retrouve le duo inspecteur et journaliste pour mener l’enquête. Ironiquement, Belphégor, le fantôme masqué du père de Vidocq, est devenu aussi célèbre que Fantômas, mais côté cinéma.
Le roman de Bernède est tombé dans l’oubli. Il faut le redécouvrir cet été, et en profiter pour se plonger dans le roman horrifique de l’époque : lire, du même auteur, L’Homme au masque de fer, ou de Leroux, La Poupée sanglante.
Libretto, 304 p., 10 €
L’Art de perdre d’Alice Zeniter
Goncourt des lycéens en 2017, cette fresque retrace le parcours d’un harki et de ses descendants des années 1930 jusqu’à aujourd’hui.
Elle est racontée par Naïma, jeune Française passionnée d’art contemporain qui tente de reconstruire la vie de son grand-père, notable en Kabylie, contraint de quitter l’Algérie après les accords d’Evian car il est accusé par ses voisins d’avoir œuvré pour l’armée française.
L’auteure s’est appuyée sur un matériau autobiographique pour écrire son livre et a le mérite d’empoigner un sujet peu traité en littérature.
Mais elle a su aussi aborder son roman en partant de l’intime, créant des personnages attachants, sans manquer d’élargir son propos et de montrer comment la culpabilité et la souffrance se transmettent, dans une histoire familiale, par des non-dits et du silence.
J’ai Lu, 608 p., 8,50 €
En attendant le vote des bêtes sauvages d’Ahmadou Kourouma
Dès son premier roman, Les Soleils des indépendances, paru en 1968, l’Ivoirien Ahmadou Kourouma (1927-2003) a été considéré comme un monument de la littérature africaine francophone.
Trente ans plus tard, il a su dénoncer avec force la situation politique de son continent dans l’après-décolonisation. En attendant le vote des bêtes sauvages est construit comme une chanson de geste, faussement élogieuse, déclamée à la gloire d’un despote par un griot facétieux.
Les contemporains de Kourouma ont reconnu dans ce roman les dictateurs qui se partageaient l’Afrique durant la Guerre froide, maintenus au pouvoir au nom des intérêts français. Très documenté, le livre est un réquisitoire contre la façon dont des chefs d’Etats peuvent s’acoquiner derrière le dos des peuples.
« Noirs ou Blancs, les puissants n’ont aucune chance de dissimuler sous le tapis de l’Histoire les piètres justifications de leurs exactions dès lors que la plume d’Ahmadou Kourouma se mêle de les exhumer », note dans sa très instructive préface David Diop, l’auteur de Frère d’âme.
Points/Signatures, Préface inédite de David Diop, 400 p., 10,30 €
La Ronde de la musique du temps I, II et III d’Anthony Powell
Pour titrer son monumental cycle en douze romans, l’écrivain britannique Anthony Powell (1905-2000) s’est inspiré d’un tableau de Poussin, La Danse de la vie humaine, qui sous sa plume est devenu La Ronde de la musique du temps.
La rectification est de taille. Alors que Poussin stigmatisait la vanité des riches, ignorant ou profitant des pauvres, Powell fait son miel de cette vanité en la chroniquant. Mais la vanité mène aussi à une réflexion sur la vacuité des passions.
La réédition en poche des trois premiers volumes de La Ronde… – Une question d’éducation, Les Mouvements du cœur, L’Acceptation – produit cet effet double et trouble. Powell s’y révèle comme un féroce touriste des mondanités de son temps (de 1951 à 1975) où l’on s’affole de facéties intellectuelles diverses (de Freud à Marx) comme on s’entiche d’un nouveau colifichet.
Mais Powell est un touriste qui fait partie du voyage et qui à l’occasion ne se ménage guère. Pour tenter de caser l’incasable Powell, on l’a qualifié de « Proust britannique ». Bien que son « beau monde » (en français dans le texte) soit en effet infesté de plusieurs madame Verdurin londoniennes et de quelques monsieur de Charlus, ce compliment est un peu trop « continental ».
On songe plutôt à Evelyn Waugh qui fut son ami. Parce qu’il est lui aussi un champion de la description « objective » qui se conclue généralement par une flèche proche de la vacherie mais surtout de l’humour fou. « Quelque chose dans ses longues jambes et son pantalon étroit évoquait le cheval. »
La méthode Powell ? Une pincée d’arsenic dans la théière. Ce qui donnerait du goût à la moindre des lavasses.
Christian Bourgois/Titres, traduit de l’anglais par Michel Doury, 9 € chacun
Paysage perdu de Joyce Carol Oates
Joyce Carol Oates est un mystère. Elle publie minimum deux livres par an, et ils sont toujours bons.
Elle est devenue la reine du gothique américain, et pourtant c’est son pays, contemporain, qu’elle ausculte sans concession.
Paysage perdu nous offre des clés pour la comprendre : elle revient ici sur son enfance pauvre dans une ferme de l’Etat de New York, et sur ce qui la conduira à devenir écrivaine.
Points, traduit de l’anglais (E.-U.) par Claude Seban, 456 p, 8,20 €
Lettres de la vie littéraire d’Arthur Rimbaud
Après celles de Proust, les lettres de Rimbaud, son rapport au milieu littéraire, nous reviennent. Quand ce recueil s’ouvre, Rimbaud a à peine 16 ans et en prétend 17. Il parle de ses voyages, écrit des poèmes, donne sa définition du poète : « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. »
L’Imaginaire/Gallimard, 140 p., 7€
L’Héritage Pyke de P. G. Wodehouse
L’été ne serait pas un été sans son P. G. Wodehouse. Avec L’Héritage Pyke, le père de Jeeves, nous entraîne dans d’autres aventures anglaises : Biff, jeune play-boy, doit hériter de la fortune de son oncle à condition qu’il arrête de boire. Ce à quoi se mêle le frère du défunt, Lord Tilbury… Un imbroglio chez les aristos. Des problèmes de riches qui nous changent des nôtres et les idées.
Les Belles Lettres, traduit de l’anglais par Anne-Marie Bouloch. 256 p., 14,90€
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