Dépaysantes ou tournées vers l’intime, reconstituant la Commune ou un festival rock de 1969, les bandes dessinées de la rentrée reflètent engagements et convictions graphiques de leurs auteur·ices.
“C’est quand qu’on va où ?”, se demande Keramidas dans Chasseur d’Invader (Casterman), où il explique combien la recherche des mosaïques du street artist Invader, préfacier de son ouvrage, l’a transformé. À l’image de cette quête ludique, la rentrée BD prend la forme d’un jeu de pistes autour du monde.
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Avec Le Printemps prochain (çà et là) aux couleurs délicates, l’autrice Liu Yun nous emmène en Chine et rend hommage à une tante dévouée aux autres. Résidant en Cisjordanie, Mohammad Sabaaneh raconte, dans le déchirant Je ne partirai pas (Alifbata), le quotidien de Palestinien·nes. Avec Le Visage de Pavil (2024), Jérémie Perrodeau nous transporte dans le village imaginaire de Lapyoza pour un voyage éblouissant qui, avec sa géographie digne d’un jeu vidéo, confronte croyances et technologie.
Peggy Adam interroge l’absurdité de la foi via Emkla (Atrabile), intrigant récit naturaliste et apocalyptique. Avec le deuxième tome de Slava (Dargaud), Pierre-Henry Gomont nous plonge dans la Russie d’après l’URSS et ses trafics. De son trait fin et déjà affirmé, Rosalie Stroesser retrace dans son premier roman graphique Shiki (Rivages) un séjour au Japon où elle a multiplié les découvertes mais aussi vu la face sombre du pays. Période bleue (Cornélius), l’anthologie poétique du mangaka Mizumaru Anzai et ses histoires datant d’un demi-siècle, provoque un délicieux choc esthétique.
La paire Fromental-Yslaire adapte un Simenon dur, La neige était sale (Dargaud), Gou Tanabe explore à nouveau Lovecraft avec L’Abomination de Dunwich (Ki-oon), tandis que Milo Manara s’attaque au Nom de la rose (Glénat) d’Umberto Eco. David et Maria Lapham montent une intense course-poursuite en Amérique avec Lodger (Delcourt), à la fois récit de vengeance et histoire d’amour tordue.
Charlie Adlard et Herik Hanna abordent un épisode tragique des États-Unis avec Altamont (Glénat), du nom du festival organisé en 1969 par les Rolling Stones à l’issue sanglante. Chumbo (Casterman) de Matthias Lehmann investit le Brésil sur sept décennies à travers le prisme d’une famille. La thématique familiale constitue le moteur d’autres BD émouvantes telles que Grande Échappée (Nathan). Dans ce récit d’empowerment inspiré de La Panthère, le poème de Rilke, Bérengère Delaporte met en scène une mère qui défend les projets de sa fille face à son mari toxique.
Florence Dupré la Tour continue, elle, son extraordinaire cycle autobiographique avec le deuxième tome de Jumelle (Dargaud). Avec de l’inventivité dans les couleurs et les textures, l’Espagnole Beatriz Lema revient dans Des maux à dire (Sarbacane) sur son enfance dans une famille remuée par la maladie mentale maternelle. Avec humour mais aussi mélancolie, le Japonais Taro Yabé s’inspire dans Ma logeuse et moi (Le Lézard Noir) de sa relation tendre avec son ex-logeuse.
Jim (Rue de Sèvres) voit François Schuiten faire le deuil de son chien avec beaucoup d’émotion dans le trait. Matthias Arégui utilise, lui, chien et chat comme prétextes du Nécromanchien (2024), une comédie originale autour de la création et du monde de l’art. Avec Le Grand Incident (Musée du Louvre-Futuropolis), Zelba propose une savoureuse farce féministe où les femmes nues représentées sur les cimaises du Louvre disparaissent, protestant contre le sexisme.
En vingt-cinq images, Tardi revient sur la période de la Commune : son 20 ans en mai 1871 (Martin de Halleux) est aussi muet qu’engagé. Dans le cruellement réaliste Le Ciel dans la tête (Denoël Graphic), Antonio Altarriba et Sergio García Sánchez exposent le destin violent d’un jeune migrant congolais, des milices à la prison en passant par le naufrage. Pierre Maurel retrouve son journaliste radio militant avec Michel et la bataille des Dombarelles (L’Employé du moi). Ce reflet des combats écolos actuels donne de l’énergie, comme Rosigny Zoo (Flblb) de Chloé Wary, chronique sur le passage à la vie adulte et la résistance des convictions.
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