L’été, tout est permis : la sélection de nos secrets les plus « honteux ».
Lucky Luke
Série de bande dessinée franco-belge créée par Morris, premier scénariste René Goscinny, 86 albums chez Dupuis
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Les aventures du cow-boy cool, qui en disent beaucoup sur notre incapacité à grandir.
“I’m a poor lonesome cowboy…”, chante Lucky Luke, la plus fine gâchette de l’Ouest. Les cow-boys peuvent être ennuyeux quand ils sont trop héroïques, insipides, virils, empreints de machisme et de droiture morale. Lucky Luke, bien au contraire, est un type comme vous et moi, plutôt maigrelet, un peu enfantin, doté d’un humour sarcastique et d’une ironie subtile.
Aucune démonstration de bravoure : il sait se défendre quand il le faut et veut poursuivre sa route simplement et qu’on le laisse peinard. Il écoute ses interlocuteurs en roulant des clopes, les envoie balader d’une phrase. Une sorte d’Humphrey Bogart du Far West. Terriblement cool avec ses bandanas rouges, ses jeans serrés, sa façon de sauter sur sa jument Jolly Jumper.
Il y a aussi ces personnages secondaires, merveilleux de burlesque, notamment les inénarrables frères Dalton, dont ce grand nigaud d’Averell qui ne pense qu’à manger, et leur maman “Ma”. Les albums de Lucky Luke se relisent avec délectation, non parce qu’ils nous replongent en enfance, mais parce qu’on peut enfin, à l’âge adulte, en saisir toute la finesse, celle d’une déconstruction des codes et valeurs de l’americana.
Gérard de Villiers
L’Anthologie érotique de SAS
(Gérard de Villiers), 381 pages, environ 16 €
Après SAS, mauvais goût à gogo.
Longtemps, les collégiens se sont couchés en bandant avec ardeur. Sous leur oreiller, un SAS ; sous leurs paupières, un défilé de pin-up, prêtes à être en tout lieu culbutées – dans un ascenseur, à l’arrière d’une berline, sur une plage des Caraïbes.
A ce petit jeu (de vilain), le prince Malko Linge ne craignait personne : blondes ou rousses, Cubaines ou Brésiliennes, black power ou peace & love, toutes craquaient pour l’agent secret inventé par le romancier français le plus lu de sa génération, Gérard de Villiers. A ce fantasme de libertinage sans frontières – aujourd’hui encore frappé d’opprobre : lors du décès de de Villiers, en 2013, silence radio de la part du ministère de la Culture – ont succédé des pulsions de dégradation.
En témoigne un site web à faire blêmir un rédac chef de tabloïd, Celebrity Sex Stories Archive. Avec trois mots d’anglais – de préférence cock, tits et ass –, chacun(e) peut y goûter à un ersatz très peu littéraire de la sextape. Et découvrir ce que Kim Kardashian et Christina Mad Men Hendricks font ensemble. Ou en compagnie d’un danois, lequel a davantage de chances de résider dans un chenil qu’à Copenhague. La Belle et la Bête, version 2.0 ?
Neil Strauss
The Game
(J’ai Lu), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christophe Rosson, 544 pages, 8,50 €
Le guide de drague pour beaufs.
Avant, Neil était un PFM : sa FES et sa mauvaise gestion du NEG le privaient invariablement de conclu B. Un vrai abonné à la SAJP. Rien compris ? Alors vous n’êtes pas un V2D, aka un Virtuose de la Drague. C’est dans le monde parallèle de ces cadors de la séduction, autoproclamés “Pickup Artists”, que Neil Strauss, journaliste au New York Times, s’est plongé pour les besoins d’un reportage gonzo.
Il n’a jamais refait surface mais il a sorti The Game, livre désormais culte devenu la bible du tchatcheur de plage. En plus de l’enquête sur sa clique de Casanova de Prisunic, Neil Strauss raconte sa métamorphose en Style, son double machiavélique et séducteur.
De la “philosophie” de ces dragueurs pro à leurs techniques perso en passant par leur lexique crypté, il a observé et appliqué les codes de cette communauté étrange. Résultat : un manuel de séduction très miso, un brin psycho mais plutôt rigolo. Et soyons franc, parfois efficace. Tard le soir. Dans le noir. Très soûl.
Pauline Réage
Histoire d’O
(Le Livre de poche), 283 pages, 6,10 €
Le chef-d’œuvre SM qui jette le doute sur votre sexualité.
En fait, le roman sado-maso de Pauline Réage (alias Dominique Aury) n’est pas complètement inavouable, puisqu’il est admis depuis longtemps qu’il s’agit d’un texte vraiment littéraire.
Pourtant, ce qui nous fait toujours un peu hésiter à dire qu’on aime ce livre, c’est que cela éveille à chaque fois le soupçon chez tout interlocuteur (voire une lueur concupiscente et un sourire entendu) qui vous catalogue aussitôt au rayon “grandes masos”. Mais ce qu’il y a d’encore plus inavouable, c’est de dire qu’on aime ce roman, non pas pour ses scènes érotiques, mais pour ses passages sur la mode.
O, l’héroïne soumise, travaille dans une agence de photographes de mode et s’éprend d’un mannequin. Pour beaucoup, ce que Réage écrit des robes que porte cette femme n’est que digression superflue. C’est pourtant là que se cache la plus grande subversion du texte : quand elle décrit la robe haute couture comme ressemblant en tous points à la robe qu’on lui faisait porter au château SM de Roissy.
Dès lors, par cette simple analogie, Réage sous-entend que les rapports de domination s’étendent à toute la société ; ou encore que les femmes, même subrepticement, sont asservies tous les jours par une société dont la mode ne serait que le bras armé.
Cecily von Ziegesar
Gossip Girl, tome 1
(Fleuve Noir), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marianne Thirioux, 210 pages, 7,50 €
De la chick lit à paillettes qui nous donne l’air cruche.
“Your one and only source into the scandalous lives of Manhattan’s elite.” Plus de 30 ans et pas de syndrome d’“adulescence” mal soignée ? Il y a une chance pour que vous soyez passé à côté de Gossip Girl, la saga cathodique préférée des teenagers de la fin des années 2000. Un genre d’Amour, gloire et beauté underage griffé Gucci et arrosé Dom Pé millésimé.
Le pitch : une bande de lycéens de l’Upper East Side new-yorkais s’initient aux jeux de l’amour et du hasard sur les terrasses du penthouse de daddy et à l’arrière de leur limo à chauffeur. Moins nourris par Marivaux que par Bret Easton Ellis et Jay McInerney, les épisodes de la série suivent presque à la lettre les intrigues des romans du même nom signés Cecily von Ziegesar.
Quatorze tomes entre chick lit et comédie à paillettes qui nous rappellent – à l’instar d’Harry Potter ou du Petit Nicolas – que le plaisir (coupable) est toujours moins jubilatoire en roman que sur écran. XOXO.
Betty Smith
Le Lys de Brooklyn
(10/18), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Maurice Beerblock, 696 pages, 9,60 €
Le plus inoubliable des mélos populaires.
Il a fait pleurer des millions de lectrices dans les banlieues prolétaires d’Amérique et d’ailleurs. Paru aux Etats-Unis en 1943, sorti en France en 1946, c’est un bon gros roman qui narre la vaillante épopée de Francie, une petite fille née à Brooklyn dans une famille d’immigrés irlando-autrichiens.
Tout y est, dans ce roman, où on s’aime pour toujours en dépit de l’adversité. Johnny, le papa, va de petits jobs en déconfitures et se noie dans l’alcool. Katie, sa femme, s’épuise à faire des ménages. Et aussi les tantes, les oncles, les voisins, tout un petit monde en noir et blanc surgit là, dans un Brooklyn typique avec ses hordes de gamins dépenaillés qui jouent au base-ball. Mais on est en Amérique, pays où tout est possible. Parce qu’elle aime lire et écrire, Francie travaillera bien à l’école et, après nombre d’épreuves, parviendra à franchir le pont qui maintenait son enfance loin de Manhattan.
C’est un livre dont on ne parle avec personne mais qu’on garde dans sa bibliothèque. Car même s’il représente à lui tout seul le mélo populaire taillé sur mesure pour un lectorat féminin, on doit reconnaître que des années après on se souvient du beau Johnny qui rentre soûl soir après soir, de Katie qui frotte le sol à genoux et de Francie qui noircit son journal intime et essaie comme elle peut de comprendre le sens du monde.
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