Belfond publie en fanfare les deux premiers romans – inédits en France – de l’auteur japonais. Une belle opération marketing, mais un non-événement littéraire au vu de la faible qualité d’Ecoute le chant du vent et Flipper, 1973.
Parus respectivement en 1979 et 1980 au Japon, Ecoute le chant du vent et Flipper, 1973, réunis ici en un seul volume, sont les tout premiers textes d’Haruki Murakami, et premiers opus de sa “trilogie du Rat”. Ils décrivent l’ennui au quotidien d’un narrateur et son double, surnommé le Rat, deux jeunes hommes un peu perdus dans un univers urbain indéterminé.
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Le narrateur est traducteur, le Rat ne fait rien. Ils discutent sans fin dans un bar de nuit, toujours le même, parlent de femmes, cherchent un sens à leur vie dans des livres ou des films, en général américains ou européens.
Univers postmoderne
Parfois, l’absurdité du quotidien touche à l’irréel. Ainsi, deux jeunes filles rigoureusement identiques, que le narrateur ne parviendra jamais à distinguer, élisent domicile dans son appartement, telles des elfes bienveillants, chuchotent sans fin sous sa couette et un jour repartent.
Voici donc, balbutiant, ce qui a fait le succès de l’auteur des 1Q84, son univers postmoderne, mondialisé avant la lettre, bourré de références à la culture occidentale. Mais justement, c’est balbutiant. Il est rare que les œuvres de jeunesse d’un auteur soient ses plus réussies, et ces textes où le lecteur s’ennuie en sont l’illustration.
Le livre vaut surtout pour sa préface
Cette ambiance des années 1970 – où rien n’est jamais grave – est datée, même si on peut imaginer qu’en son temps elle a pu plaire. En fait, le livre publié aujourd’hui par Belfond vaut surtout pour sa préface rédigée par l’auteur, en 2014. Murakami raconte comment est né son style. Il voulait devenir écrivain mais, peu satisfait de ses premières tentatives, il s’est astreint à écrire d’abord en anglais afin de s’imposer une contrainte littéraire, “écarter tout superflu”. Ainsi a-t-il mis au point “une écriture dotée d’un rythme personnel”.
“Evénement !”, annonce carrément le site internet des éditions Belfond. C’est même “le grand événement de cette rentrée littéraire”, selon la page Facebook de l’auteur, gérée par l’éditeur qui espère que les fans de Kafka sur le rivage vont se jeter sur ces deux premiers romans de Murakami “enfin traduits”, plus de trente-cinq ans après leur publication au Japon.
Une marque qu’on se doit d’amortir
Curieusement, il s’agit là du seul argument de vente. Nulle part, dans la présentation de l’éditeur, il n’est question de style, d’écriture, de contenu ou de sujet. La quatrième de couverture donne d’ailleurs à lire un extrait, non pas d’un des deux romans, mais de la préface.
Finalement, il ne s’agit même plus de lire Murakami. L’auteur à succès international est devenu une marque qu’on se doit d’amortir jusqu’au bout, quitte à publier ses romans les plus faibles.
en chiffres
23 C’est le nombre de ses livres – romans et recueils de nouvelles – traduits désormais en français. Ils sont pour la plupart publiés par Belfond, puis en poche chez 10/18. Essayiste, Murakami traduit aussi en japonais des écrivains de langue anglaise, dont Raymond Carver.
4 En millions, c’est le nombre d’exemplaires vendus au Japon de la série 1Q84. Murakami est traduit en 40 langues. En France, la série s’est vendue à 600000 exemplaires – on approcherait du million avec les poches. La presse anglo-saxonne le donne régulièrement gagnant pour le Nobel. En vain.
67 000 € Le montant que va recevoir Haruki Murakami en tant que lauréat du prix Hans Christian Andersen, décerné tous les deux ans au Danemark. Le jury a souligné “le savant mélange de récit classique, de culture populaire, de tradition japonaise, de réalisme merveilleux et de débat philosophique”.
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