Après “Shuggie Bain”, l’Écossais Douglas Stuart revient avec “Mungo”, portrait d’un adolescent fracassé sur fond de Glasgow, de misère et d’homophobie. Un fleuve d’amour, virtuose et politique.
Mungo est un prénom intrigant pour qui ne connaît pas Glasgow où une cathédrale est dédiée à Mungo, saint patron de la ville. Pas étonnant dès lors que ce soit le prénom d’un adolescent local de 15 ans que l’Écossais Douglas Stuart a décidé de distinguer dans son roman au titre éponyme.
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Le Glasgow des années 1990, le chaos économique organisé par la détestation de Margaret Thatcher pour les “maudits écossais”, la vie des pauvres entre alcoolisme et chômage… On avait déjà adoré la façon dont Stuart mettait en scène ce panorama dans Shuggie Bain (2020), rencontrant un succès inattendu et récompensé par le Booker Prize.
Portrait de famille
Certes, tout recommence, mais à une différence près, le portrait de famille. Maureen dite Mo-Maw, la mère de Mungo qui interdit qu’on l’appelle maman parce que ça lui filerait un coup de vieux et se transforme en monstre lors de ses retours imbibés à son home qui n’est pas sweet. Jodie, sa jeune sœur, une écolière douée, abusée par son professeur d’histoire. Hamish, dit Ha-Ha, est le frère aîné, caïd de 19 ans qui ne vit que “pour le frisson des mauvais coups”. Mungo est le petit dernier, beau et doux comme une brise d’été, qui ne se contente pas de survivre dans sa famille fracassée. Comme “un instinct compacté au fond de lui”, il cache un amour pour les garçons qui dans sa fratrie, homophobe comme on respire, pourrait lui coûter plus que des cassages de gueule. D’autant que son désir se fixe (et réciproquement) sur un James de son âge, qui abhorre une singularité encore plus détestable aux yeux du biotope protestant de Mungo : James est catho autant que pédé. Oui, dans Mungo on dit “pédé”, comme pour retourner l’insulte en jet de pierre contre celles et ceux qui la prononcent.
De feu et de glace, de poésie et de crudité, Mungo est le récit de cette rencontre contre toutes les natures qui provoque un dégel littéraire de haut vol. Sur ce chemin balisé par moult croix de misère (dont un viol par deux badernes qui, perclus de haine de soi, veulent “faire de lui un homme“), on ne se perd jamais, galvanisé par à un suspens politico-sentimental où comme dans Le Droit du plus fort de Fassbinder les rapports sexuels sont aussi des rapports de classe.
Mungo de Douglas Stuart (Globe), traduit de l’anglais (Ecosse) par Charles Bonnot, 472 pp., 24 €. En librairie.
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