Le leader charismatique des Doors voulait se consacrer à la poésie. A sa disparition à 27 ans, il laissait des carnets remplis de vers sur la mort.
C’était un temps où les rock-stars se vivaient comme des poètes. Et il suffit de voir When You’re Strange, l’excellent documentaire sur les Doors, pour comprendre que ce qui taraudait Jim Morrison était d’écrire, et de publier. Ironie du sort, c’est quand il tentera de se consacrer complètement à l’écriture en quittant les Doors et en s’installant à Paris avec sa girlfriend, Pamela Courson, qu’il mourra d’une overdose.
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Mais avant sa mort à 27 ans, en 1971, Jim Morrison a déjà écrit et publié à compte d’auteur le recueil Seigneurs et nouvelles créatures. A sa mort, il laisse des carnets qui seront ramenés par Pamela à Los Angeles et oubliés dans une boîte référencée “127 fascination”.
Pamela disparaît quatre ans plus tard : ce sont ses parents qui retrouvent les écrits de Morrison et les rendent publics. Dans When You’re Strange, quelques lignes suffisent à donner envie d’aller y jeter un coup d’oeil : “Je bois parce que ça m’aide à parler aux connards, moi inclus.”
Un enfer de Dante écrit sous dope
En songwriter aussi bien qu’en interviewé planant, Morrison a toujours eu le sens de la formule fulgurante. Ces écrits diffèrent, moins sensuels. Plus noirs et inquiétants, ils nous plongent dans un enfer de Dante écrit sous dope, comme en transe, fragmenté et syncopé. Où il est, partout, question de mort, comme s’il la désirait.
“Mort, vieille amie/La mort et ma bite sont le monde/Je pardonne mes blessures au nom de/Sagesse Luxe Romance”.
Inutile de dire que Morrison écrit ses poèmes avec le rythme d’une chanson, avec des répétitions et des “yeah” en fin de phrases, et des temps sans paroles, comme s’il s’agissait de laisser place à la musique – sur la page, ça devient un grand blanc. Nombreuses sont les pages seulement tatouées d’une phrase.
“La vraie poésie ne veut rien dire, elle ne fait que révéler les possibles. Elle ouvre toutes les portes. A vous de franchir celle qui vous convient… C’est la raison pour laquelle je suis tellement attiré par la poésie, elle est si éternelle. Tant qu’il y aura des hommes, ils pourront se souvenir des mots et de leurs combinaisons.”
Et c’est bien cela qui semble fasciner, amuser Morrison, comme un enfant qui découvre le langage et joue à mettre tel mot à côté de tel autre, juste pour voir quel effet cela pourrait produire.
“L’écrivain ne fait que répondre à des questions qui n’ont pas été posées”, écrit Morrison. Comme celle qu’un souvenir d’enfance ne finit pas de poser, insoluble. A quatre ans, le petit garçon roule en voiture dans le désert avec sa famille, quand la route devient jonchée de cadavres d’Indiens ensanglantés et l’enfant sent son âme pénétrée par les âmes des morts. Et c’est peut-être la clé de tout, d’une vie et d’une oeuvre qui ressemblent à un exorcisme.
Wilderness (Christian Bourgois), traduit de l’anglais (E.-U.) par Patricia Devaux, 320 pages, 9€
La Nuit américaine (Christian Bourgois), traduit de l’anglais (E.-U.) par Patricia Devaux, 288 pages, 7€
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