Emmanuel Guibert poursuit son œuvre biographique autour de la vie de son regretté ami Alan Ingram Cope, et fait de ce nouveau volume une ode à la beauté de l’anodin.
Aquoi sert un geste artistique ? Parmi les multiples réponses qui pourraient convenir, il en est une que le dessinateur de bande dessinée peut proposer : sublimer l’anodin du récit par le monumental du dessin. Et par ce geste faire œuvre.
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Cette dialectique a toujours été plus ou moins au centre de l’écriture d’Emmanuel Guibert depuis que ce dernier a décidé de consacrer la majeure partie de son œuvre à la biographie en bande dessinée d’Alan Ingram Cope. Emmanuel l’a rencontré dans les années 1990 et l’a côtoyé pendant plusieurs années, avant sa disparition.
L’auteur s’attache à transcender la vie de son ami
Au fil du dialogue est née une amitié qui a inspiré à Guibert un projet artistique ambitieux et porté de longue haleine. Depuis près de vingt ans, et la parution du premier volume de La Guerre d’Alan (L’Association), l’auteur s’attache à transcender la vie de son ami, chapitre après chapitre et livre après livre, avec une pudeur et une humanité palpables à chaque instant.
Avec Martha et Alan, Guibert fait un pas de côté, proposant une annexe aussi différente que cohérente au corps de l’œuvre. Guibert traverse ici l’ensemble de la vie de son ami en se focalisant sur le motif d’une relation amoureuse inaboutie, depuis les années de jeunesse jusqu’à la séparation forcée, pour finir avec une correspondance touchante où affleurent les non-dits sur les réussites et les échecs.
“Une vie en un souffle”, pour reprendre l’expression de l’auteur, lequel a consciemment voulu retranscrire ici l’éphémère du passage sur Terre et l’importance presque sacrée qu’il conviendrait d’accorder au plus anodin des moments.
Et c’est en effet là tout le génie de l’entreprise. Pour exprimer ce souffle, Guibert construit son récit autour de grands tableaux de deux pages d’une époustouflante beauté. Des dessins littéralement hors normes réalisés sur des feuilles de plastique et mis en couleurs avec des crayons aquarellés. Le contraste est éclatant, laissant le sentiment que l’homme moderne passe à côté de tout, et qu’il est temps pour lui de mieux s’arrêter sur l’infinie beauté de l’anodin qui l’entoure. Stéphane Beaujean
Martha & Alan, d’après les souvenirs d’Alan Ingram Cope d’Emmanuel Guibert (L’Association), 120 pages, 23 €
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