Parmi les ouvrages estampillés true crime, une sous-catégorie regroupe, outre-Atlantique, les livres d’écrivains dont l’enfance fut marquée par un meurtre. Cette variété d’autobiographie – laquelle doit ses lettres de noblesse à Ma part d’ombre de James Ellroy – s’enrichit aujourd’hui d’une œuvre singulière. Par son ironie discrète et son refus du sensationnalisme, le récit que l’assassinat de sa […]
Dans ce récit consacré au meurtre de sa tante, l’auteure traque un mal dont la banalité est gage d’omniprésence. Entre philosophie et journal intime.
Parmi les ouvrages estampillés true crime, une sous-catégorie regroupe, outre-Atlantique, les livres d’écrivains dont l’enfance fut marquée par un meurtre. Cette variété d’autobiographie – laquelle doit ses lettres de noblesse à Ma part d’ombre de James Ellroy – s’enrichit aujourd’hui d’une œuvre singulière. Par son ironie discrète et son refus du sensationnalisme, le récit que l’assassinat de sa tante inspira à Maggie Nelson exfiltre la figure du monstre : affligeant de banalité, le mal y a le visage de monsieur Tout-le-monde. Et sa concomitante omniprésence.
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Au printemps 1969, une étudiante de l’université du Michigan, Jane Mixer, tente une expérience de covoiturage. Quand on la retrouve, elle a deux balles dans la tête et, autour du cou, un foulard tellement serré qu’elle en est presque décapitée. Vingt-cinq ans plus tard, la nièce de Jane apprend qu’une analyse ADN vient enfin de désigner un suspect. Un retraité passe-partout, dont l’absence de traits saillants lui donne la bouille d’Elmer Fudd – soit du chasseur rondouillard que Bugs Bunny berne à longueur de cartoons. Indécelables, les démons intimes sont ici la chose la mieux partagée du monde – à l’adolescence, la sœur de Maggie Nelson se prend de passion pour les snuff movies tandis que l’auteure elle-même éprouve “un penchant érotique pour l’asphyxie”.
Les pathologies de l’Amérique, la santé de la littérature
Relégation à l’arrière-plan des détails du procès, élimination de la sacro-sainte catharsis, effacement de la frontière séparant normalité et aberrations comportementales, imbrication du passé dans le présent et spirales du processus d’identification – quand Maggie découvre le journal intime de Jane, elle croit l’avoir écrit elle-même – concourent ici à faire vaciller les certitudes. Voire à les abolir, à l’exception de celle voulant que, du Michigan à Brooklyn – “un lieu prisé pour se débarrasser de cadavres, de voitures ou d’ordures” –, les pathologies de l’Amérique soient garantes de l’éclatante santé de sa littérature.
Une partie rouge (Editions du sous-sol), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Julia Deck, 224 pages, 22 €
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