“Si on veut que la réalité chatoie, il faut bien la romancer un peu.” C’est un aveu que l’on peut retenir comme une leçon d’écriture. Elle est délivrée par un maître en la matière, l’auteur de Fuir, qui nous embarque dans le voyage abracadabrant d’un écrivain en Chine. Et cette leçon est délivrée dès les […]
Comment représenter la réalité ? Dans Made in China, un texte farfelu où l’écrivain se fait cinéaste, Jean-Philippe Toussaint brouille les repères entre la fiction et le réel.
“Si on veut que la réalité chatoie, il faut bien la romancer un peu.” C’est un aveu que l’on peut retenir comme une leçon d’écriture. Elle est délivrée par un maître en la matière, l’auteur de Fuir, qui nous embarque dans le voyage abracadabrant d’un écrivain en Chine.
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Et cette leçon est délivrée dès les premières pages, l’air de rien, nous avertissant s’il en était besoin que nous sommes avant tout dans une aventure littéraire. Le narrateur, Jean-Philippe Toussaint mis en scène par Jean-Philippe Toussaint, veut adapter un de ses livres au cinéma. Il lui faut donc trouver une équipe technique, procéder à des repérages, faire passer des castings.
Robe de miel
Son éditeur chinois s’est dit prêt à l’aider. Mais les quiproquos absurdes s’accumulent, modifiant sans cesse les projets du cinéaste-romancier, car l’œuvre produite jamais ne peut être l’œuvre rêvée, d’autant que le narrateur veut absolument tourner une scène impossible à tourner : une femme vêtue d’une robe de miel, poursuivie par des abeilles.
Le livre multiplie les références aux livres précédents de Toussaint et se lit comme un précieux vagabondage dans la façon dont il conçoit son travail. Avec ce qu’il faut d’humour et de distance, Toussaint (dont les Editions de Minuit publient en un volume ses quatre romans sur Marie, M.M.M.M.) nous invite à observer le fil ténu qui dans ses livres sépare la fiction du réel.
Art littéraire
Il confronte différentes représentations possibles d’une même réalité, en étudiant de près les filtres qui, imperceptiblement mais inexorablement, nous éloignent d’elle. Ceux que constituent la mémoire, la littérature, le cinéma, voire la langue même, car une chose n’est peut-être pas tout à fait la même si elle est écrite ou si elle est filmée, si elle est racontée en chinois ou en français, ou si elle est traduite d’une de ces deux langues.
Un art littéraire s’élabore ici, dans un texte très drôle où mises en abyme et leurres s’ajoutent les uns aux autres, et où le créateur est celui qui court sans cesse après son œuvre, forcément insaisissable.
Made in China (Minuit), 192 pages, 15 €
M.M.M.M. (Minuit), 704 pages, 29 €
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