Prada, agnès b., LVMH… Le luxe investit de plus en plus le secteur littéraire. Tendance lourde ou effet de mode, que cache cette nouvelle forme de mécénat ?
Jay McInerney, nouvelle égérie Prada ? Après tout, le romancier français Nicolas Fargues a bien posé pour une pub Chanel. Mais non, a priori l’auteur de La Belle Vie ne devrait pas piquer son job à Léa Seydoux. S’il se trouvait au cocktail donné à New York par la marque de luxe le 23 octobre, en compagnie d’autres écrivains comme Jonathan Ames ou Gary Shteyngart, c’était pour une tout autre raison, purement littéraire : fêter les vainqueurs du Prada Journal (à ne pas confondre avec la Pravda), un concours littéraire lancé au printemps par la maison italienne en partenariat avec l’éditeur Feltrinelli. Les candidats devaient écrire un texte sur le thème suivant (attention, l’énoncé en VF fait mal) : « Quelles sont les réalités que nos yeux nous rapportent ?
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Et de quelles manières ces réalités sont-elles filtrées à travers des lentilles ? » En réalité, l’opération cherchait autant à promouvoir de nouveaux talents que la ligne de lunettes Prada – d’où l’intitulé laborieux du sujet. Reste que les cinq gagnants verront leur histoire publiée. Et qui sait, peut-être que le nouveau McInerney se cache parmi eux.
Prada n’est pas la seule marque de luxe à vouloir mettre sa griffe sur la littérature. Dans certains cas, cela fait sens.
Ainsi, la créatrice agnès b., ex-épouse de l’éditeur Christian Bourgois, déjà investie dans l’art contemporain et le cinéma, vient de contribuer au sauvetage de La Quinzaine littéraire, la revue fondée par Maurice Nadeau. Pour accompagner le lancement de sa nouvelle version le 1er novembre, agnès b. a créé des sacs aux couleurs de la publication et organisé une exposition dans l’une de ses boutiques.
Peut-on vraiment parler de mécénat ?
Peut-on parler de mécénat s’agissant de la récente entrée de LVMH au capital de Madrigall, la holding familiale qui détient Gallimard et Flammarion ? L’apport financier tournerait autour de 30 millions d’euros. Certes, Bernard Arnault, le patron du groupe de luxe, a pris soin de mettre en avant ses affinités avec l’éditeur : « Nous partageons la même vision du développement de nos maisons, fondée sur leur histoire prestigieuse, leur caractère familial et le talent des équipes qui les animent. »
LVMH s’était déjà associé à Gallimard pour éditer des guides, un recueil de nouvelles – La Malle – autour des souvenirs de Gaston-Louis Vuitton. D’autre part, l’Espace éphémère Louis Vuitton accueille des conférences sur l’art et la littérature.
Certains observateurs laissent entendre qu’Arnault n’agirait pas seulement par amour de l’art mais aussi par intérêt, notamment pour le patrimoine immobilier de Gallimard sis en plein Saint-Germaindes-Prés. On se doute bien que les maisons de luxe escomptent une contrepartie quand elles investissent dans le monde des lettres, soit en termes d’image, soit en termes financiers. Pour l’édition, secteur en difficulté, cette manne semble plutôt bienvenue, tant que les grandes marques n’imposent pas de placements de produits dans les livres. Les livres qui, dans leur version imprimée, pourraient bien à leur tour devenir des produits de luxe emballés dans du papier de soie.
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