Premier d’une série d’auteurs invités à s’approprier l’univers du poor lonesome cow-boy, Matthieu Bonhomme lui offre une nouvelle aventure aussi personnelle qu’intemporelle.
Lucky Luke a 70 ans cette année et les éditions Dargaud célèbrent l’événement avec faste. Une grande exposition consacrée à Morris, son créateur, se tient au musée de la Bande dessinée à Angoulême jusqu’en septembre. Et à l’instar des “Spirou vus par”, en parallèle de la série officielle dessinée par Achdé et dont le prochain tome scénarisé par Jul paraîtra en novembre, différents auteurs interpréteront à leur manière le personnage du poor lonesome cow-boy. En attendant la version de Bouzard, c’est Matthieu Bonhomme qui rend hommage à Morris dans L’homme qui tua Lucky Luke.
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Matthieu Bonhomme est un familier du récit de genre. Il a déjà abordé le western, avec Lewis Trondheim au scénario, dans le postmoderne Texas Cow-Boys – une série qui lui a permis de mettre en images un Ouest sauvage entre épure et réalisme, décor qui fait merveille dans L’homme qui tua Lucky Luke.
Le mystère de la cigarette
Fan absolu de Lucky Luke depuis l’enfance, Matthieu Bonhomme semble avoir abordé avec sérénité ce difficile exercice de la reprise. Il ne cherche pas à dessiner “à la façon de” mais impose son style semi-réaliste aux personnages, ce qui leur sied parfaitement.
Il ne tente pas d’imiter Goscinny, scénariste de la série de 1955 à 1977, mais n’oublie pas la dimension humoristique, avec notamment un running gag sur une pénurie de tabac, qui lui permet au passage d’expliquer le mystère de la disparition de la cigarette (depuis l’épisode Fingers, 1983) et de faire de son Lucky Luke un fumeur que l’on ne voit jamais fumer – son état de manque joue d’ailleurs un grand rôle dans l’histoire. Il respecte évidemment quelques éléments récurrents et clés de la série (Jolly Jumper, la ballade de fin, le flegme légendaire du héros…).
Découpage cinématographique
Matthieu Bonhomme décale la série de la veine comique vers le réalisme, reprenant sans ironie les codes et les ingrédients du western – une fratrie de durs à cuire, une attaque de diligence, des Indiens, une bagarre dans le saloon, de l’or qui disparaît…
L’intrigue est bien ficelée, les personnages secondaires hauts en couleur, les méchants plus complexes qu’on ne pourrait le croire. Une approche sérieuse donc, que l’on retrouve dans le trait incisif, le découpage parfaitement cinématographique, et les très beaux cadrages dynamiques – les scènes de foule comme les cases représentant Lucky Luke seul dans la nature ou dans la ville sont remarquables.
Le Lucky Luke de Matthieu Bonhomme est certes moins fantaisiste que ses prédécesseurs, mais l’auteur fait de son cow-boy un personnage d’une grande force, plus posé et plus sage que jamais, et toujours un peu plus intemporel.
L’homme qui tua Lucky Luke (Dargaud), 64 pages, 14,99 €
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