Des mastodontes et des découvertes, des revenants et des omniprésents… En poche, il y a de la place pour tout le monde. Florilège.
De hashtag en pronostic, de projection en nouvelle star, on cavale tous derrière l’actu… A revers de la précipitation ambiante, la littérature propose de prendre son temps, et parfois même de regarder en arrière. Alors que paraîtra le 6 avril Daddy Love, la livraison annuelle de Joyce Carol Oates, il est indispensable de rembobiner pour se plonger dans Maudits (Points, 10 mars), un mastodonte à ranger parmi les meilleurs romans de la géniale graphomane.
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Une petite ville, une femme révoltée, des vierges menacées, Jack London et Dieu… Oates embrasse l’Amérique et livre une critique cinglante d’une société hantée par sa bigoterie et son puritanisme. Magistral et sans pitié.
Contrôleur des finances triste comme un complet gris
Acerbe également, l’immense Richard Yates continue de se laisser redécouvrir. Un dernier moment de folie (Pavillons, 24 mars) réunit neuf nouvelles imprégnées de l’incomparable sens de la chute du maître américain. On y croise un contrôleur des finances triste comme un complet gris, des couples qui s’ennuient, des jeunes filles libérées, des hommes à la guerre… Et l’on aimerait que chaque nouvelle dure toujours.
Dissimulation et solitude, dans Chéri chéri (Folio), Philippe Djian raconte la double vie de Denis, écrivain le jour, chanteuse de cabaret la nuit, et utilise le travestissement comme allégorie d’une existence de faux-semblants. Chez Claire Messud aussi, les apparences sont trompeuses et une furie sommeille en Nora, cette Femme d’en haut sans histoire qui n’attend qu’une rencontre pour disjoncter (Folio, 15 mars).
Charmante variation sur le thème de l’initiation
Les femmes en crise, c’est également le grand sujet de l’Anglaise Margaret Drabble, qui surprit tout le monde il y a deux ans avec Un bébé d’or pur (un inédit qui sort directement au Livre de poche le 13 mars), un cadeau du ciel venu de l’écrivaine qui avait déclaré en 2009, l’année de ses 70 ans, qu’elle raccrochait les gants.
En 1996, Joanna Smith Rakoff n’avait, elle, pas encore eu le temps de se lasser de tout. Dans Mon année Salinger (Pocket), elle se revoit, jeune provinciale qui débarque à New York pour se faire une place dans le monde cruel de l’édition. Enlevé, émouvant et bien ficelé, ce roman est une charmante variation sur le thème de l’initiation, qui distille une douce nostalgie et un appétit de l’avenir revigorant.
Une tendresse et une lucidité uniques
Virginie Despentes, elle, est toujours embarquée dans sa saga Vernon Subutex, dont le troisième volume est attendu plus tard cette année. Les deux premiers volets de ce roman total paraissent au Livre de poche (3 et 30 mars) ; alors, plus d’excuse pour les retardataires qui n’auraient pas encore eu le temps de se plonger dans la vie du disquaire en proie à ses vieux démons. Ce livre embrasse l’époque avec une tendresse et une lucidité uniques, pleure sur hier et se réjouit d’aujourd’hui, comprend tout, et ne juge rien. Bref, c’était mieux demain.
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