La réalisatrice qui fut l’instigatrice du mouvement « bring back our girls » et « free the nipple » a fondé l’association Ensemble contre la gynophobie et publie ce mois-ci un livre qui regroupe plusieurs témoignages. Rencontre.
D’où vient ce mot « Gynophobie » ?
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Lisa Azuelos – Gynophobie veut littéralement dire « la peur des femmes », le but est de regrouper sous ce nom toutes les violences infligées aux femmes. Quand j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de mot pour parler de toutes les violences faites aux femmes ça m’a vraiment choquée. Ce n’était pas un hasard : quand il n’y a pas de mot on ne peut pas nommer, et quand ne peut pas nommer on ne peut pas agir. Dispatcher tous les combats différents entre sexisme, misogynie, viol, etc., fait que rien n’existe vraiment. C’est aussi un mot qui peut se traduire facilement en espagnol, en anglais, etc. Le but c’est qu’il se répande dans le monde, et qu’on ne trouve plus aucune violence tolérable.
Vous avez également créé l’association « Ensemble contre la Gynophobie » et écrit un livre…
J’ai créé cette association le 8 mars dernier à l’occasion de la Journée contre les violences faites aux femmes. On a ensuite fait ce livre car c’est un support à nos idées, mes co-auteurs ont pu apporter leurs témoignages et leur conception de la gynophobie. Et le bénéfice des ventes du livre ira directement à l’association.
Comment avez-vous choisi les personnes qui ont écrit avec vous ?
J’avais envie qu’il y ai des hommes et des femmes. Comme Jacques Attali, quelqu’un que j’aime beaucoup, et j’ai fait appel à des auteurs. Le film avec Loubna Abidar, Much Loved, m’a également beaucoup émue, et son témoignage m’a touchée.
Dans le livre vous parlez beaucoup des problèmes qu’une femme peut rencontrer en vivant en Afrique, au Maghreb ou encore au Moyen-Orient (les mariages forcés et l’excision par exemple), et moins des problèmes rencontrés en France. Pourquoi ?
Ce n’est pas un livre qui dénonce uniquement le statut des femmes en France ou dans certaine régions du monde en particulier. Je veux parler des femmes du monde entier. L’excision, par exemple, représente des chiffres phénoménaux à travers la planète. Je voulais faire comme un Instagram, une photo des femmes dans le monde. On a tendance à oublier qu’aujourd’hui elles sont traitées comme les esclaves noirs d’il y a 150 ans. C’est abject.
Dans votre ouvrage vous et les autres contributeurs évoquent souvent le rapport entre les religions et les violences faites aux femmes. Est-ce que « religion » et « féminisme » sont incompatibles pour vous?
Non, non. Le pape François passe son temps à s’excuser des maux qui ont été créés par l’Eglise catholique au cours des siècles. J’aimerais que toutes les religions prennent la responsabilité du mal qu’elles ont fait aux femmes à travers les siècles. Il ne faut pas les supprimer, mais il faut enlever dans les textes ce qui permet aujourd’hui aux hommes et aux femmes de propager cet esclavagisme, cette gynophobie à travers le monde.
Vous faites souvent référence au sexisme dans le monde du travail. Qu’avez-vous pensé de l’affaire Denis Baupin?
J’ai eu de la « chance », l’affaire est sortie le jour où je commençais la promo de mon livre, le mot « gynophobie » a donc été plus diffusé. C’est bien de mettre en lumière les faits d’un individu comme lui, mais c’est encore plus important de se dire qu’il y a dans sa tête, et dans la tête de pleins de Français, quelque chose qui a été de l’ordre du normal. Et c’est ce que je voudrais éradiquer.
Quels liens entretenez-vous avec les associations féministes ?
J’aime beaucoup ce que fait Anne Cécile Mailfert avec la Fondation des Femmes et je suis très proche d’elle. Elle a beaucoup d’expérience dans le militantisme, et moi j’ai une manière d’agir différente mais complémentaire avec la sienne.
En plus de démocratiser le mot gynophobie, quel autre combat voulez vous mener ?
Je voudrais éradiquer la gynophobie de la société. Evidemment ça passe par l’éducation. Dans la cour de récréation il faut apprendre aux petits garçons à être amis avec les filles et inversement. Ce qui est certain c’est que dans une grande majorité des cas, les hommes sont plus forts que les femmes. Un match de boxe homme-femme choquerait beaucoup de gens, or c’est ce qu’il se passe au quotidien. Ce n’est pas que la faute des hommes en particulier, c’est aussi celle du rapport au désir féminin. Ça fait des siècles que ça dure et que ça fait peur aux hommes. Ils faut aborder ces questions-là. Il faut apprendre à communiquer en paix. Moi je crois en l’éducation, il y a de vrais outils. On va aller dans des écoles, faciliter les démarches des femmes qui portent plainte, etc. On est en mode actif, même si tout dépend des fonds que l’on va récolter. On a même mis en vente des T-shirt et des bracelets pour récupérer des fonds pour l’association.
Ensemble contre la gynophobie, sous la direction de Lisa Azuelos, ed. Stock, 192 pages, 16€.
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