L’autrice de “À l’enfant que je n’aurai pas” laisse derrière elle une œuvre importante, marquée par la thématique de l’exil. Elle est décédée le 9 mai à 59 ans.
On l’a appris ce lundi 9 mai en fin de matinée : Linda Lê vient de s’éteindre des suites d’une longue maladie. Autrice discrète de plus d’une vingtaine de livres, elle avait reçu le Prix Prince de Monaco pour l’ensemble de son œuvre en 2019.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Romancière et critique littéraire née en 1963 au Vietnam, elle avait dû s’exiler en France en 1977, à 14 ans, avec sa mère et ses sœurs. À Saïgon, elle avait fréquenté le lycée français, à Paris intégré Henri IV puis étudié à la Sorbonne. La littérature avait très tôt été son territoire d’adoption.
Expérience de l’exil
Après un premier roman publié à La Table ronde en 1986, Un si tendre vampire, la plupart de ses textes, romans, nouvelles et essais, ont été publiés chez Christian Bourgois. Le travail de Linda Lê a été récompensé de plusieurs prix, notamment le Wepler en 2010 pour Cronos ou, l’année suivante, le Renaudot du livre de poche pour À l’enfant que je n’aurai pas (Nil).
Dominique Bourgois, qui a longtemps été son éditrice, se souvient : “Je n’ai jamais vu quelqu’un lire autant et c’était la plus belle lectrice que je n’ai jamais vue. Elle avait une qualité d’attention rare aux textes des autres. Durant un temps, elle lisait pour nous des manuscrits envoyés par la poste. Elle savait comme personne écrire aux auteurs qu’on refusait une lettre respectueuse, pour qu’ils ne se découragent pas.”
Elle avait récemment rejoint les éditions Stock, qui ont publié ses deux derniers titres. Je ne répondrai plus jamais de rien, en 2020, formidable portrait d’une jeune femme cherchant à reconstituer la vie de sa mère, et De personne je ne fus le contemporain, en février dernier. Linda Lê retraçait ici la rencontre à Moscou, en 1923, du poète Ossip Mandelstam et Hô Chi Minh. “Sa discrétion, sa précision d’écrivain, et le goût fortement original du dernier sujet la rendaient différente de tout ce qu’on pouvait attendre, fait remarquer dans un communiqué Manuel Carcassonne, directeur des éditions Stock. Son écriture était aussi le résultat de tant de lectures sédimentées, ses livres comme autant de marques de ce que la littérature avait déposé en elle.”
Linda Lê était une tonalité unique dans la littérature française. Son travail, construit livre après livre dans une certaine discrétion, donnait voix aux exilé·es et croisait plusieurs thématiques, comme la perte, la place des femmes dans l’expérience de l’exil, les relations entre mère et fille, la transmission impossible d’une génération à une autre, et la persistance des blessures de l’enfance dans une vie d’adulte. Écrivaine de l’intime, sa phrase pleine d’une émotion retenue semblait travaillée, en souterrain, par un chagrin immense, impossible à effacer. “Elle n’a jamais cessé de de combler cette blessure originelle avec des mots, souligne Dominique Bourgois. Les siens et ceux des autres.”
{"type":"Banniere-Basse"}