L’Italienne Claudia Durastanti raconte son enfance aux côtés d’une mère sourde.
Il est difficile de résumer l’histoire de Claudia Durastanti : elle naît en 1984 à Brooklyn dans une famille d’immigré·es italien·nes, ses parents sont sourds, à huit ans, elle part vivre avec sa mère et son frère au fin fond de la Basilicate, dans le plus grand dénuement, elle passe tous ses étés d’enfance et d’adolescence à New York chez ses grands-parents. Adulte, elle s’installe à Londres.
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Son autobiographie, premier livre de cette romancière italienne à paraître en français, est conçue comme une exploration des divers arrachements qu’elle a vécus – “Grandir allait toujours être pour moi échapper à quelque chose, et m’étonner de m’en sortir” – et une étude des confrontations violentes qui l’ont forgée, entre sous-prolétariat et bourgeoisie, qu’elle découvre à l’université, ville et ruralité, sédentarité et émigration, féminité et masculinité, et aussi, bien sûr, entre sourd·es et entendant·es. “Alors, il faut qu’ils naissent tous normaux comme vous ?”, s’énerve un jour sa mère.
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Interroger son héritage
C’est le personnage central d’un livre souvent poignant, cette femme frondeuse au parcours chaotique, hippie dans les années 70, handicapée qui transmet le refus de la normalité à sa fille. “Elle ne s’habille jamais en femme, à part une fois dans l’année, et quand elle le fait nous la regardons ébahis en pensant à tout ce qu’elle pouvait être si seulement elle avait obéi aux règles”.
Devenue adulte, Durastanti interroge son héritage : “Même notre façon d’être pauvre était bizarre, comme tout le reste.” Les passages constants d’un monde à l’autre, et plus généralement les questions d’incommunicabilité, cette traductrice de l’anglais les explore par le prisme des différents langages qui cohabitent en elle : italien, anglais, dialecte, langue des signes. En écrivaine, Durastanti réfléchit aussi sur les questions de représentation. En s’interrogeant sur les images que nos sociétés véhiculent à propos des personnes handicapées, et en se demandant comment évoquer au mieux sa famille italo-américaine, sans tomber dans les clichés construits par les séries télé.
L’étrangère (Buchet-Chastel), traduit de l’italien par Lise Chapuis, 288 pages, 20 €
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