A travers le destin d’une téméraire photographe anglaise, William Boyd compose une fresque des événements les plus marquants du XXe siècle.
Toute vocation artistique naît-elle d’un traumatisme ? Ce n’est pas William Boyd qui dira le contraire. Les Vies multiples d’Amory Clay débute en fanfare : un écrivain se jette en voiture dans un lac, entraînant sa fille Amory dans sa tentative de suicide.
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L’adolescente s’en sort, mais fait une dépression nerveuse, et son géniteur finit dans un asile. L’ombre de cet épisode plane sur la suite des aventures d’Amory Clay, célèbre photographe anglaise, donnant son relief à ce beau portrait d’artiste.
Forme biographique originale
Après avoir ressuscité James Bond avec succès (Solo en 2014), William Boyd donne vie à une héroïne inventée : un être fictif composé à partir des biographies de pionnières de la photo – Lee Miller, Vivian Maier, Diane Arbus… Une forme biographique originale, qui a valeur d’hommage, et révèle aussi la censure dont furent la cible ces héroïnes du genre – attaquées autant pour leurs sujets que pour leur statut de femme.
Dépositaire d’un Kodak Brownie à 7 ans – cadeau d’un oncle excentrique homosexuel –, Amory Clay parcourt le monde et fait feu de tout bois, se faisant remarquer pour ses clichés interlopes, ses photos de mode ou ses reportages de guerre. Assistante de son oncle dans les bals mondains, elle découvre les bordels berlinois et, à New York, s’invente photographe de mode.
Tous les hot spots du XXe siècle
Jugée pour “obscénité” (“Miss Clay plonge son appareil dans la fange la plus nauséabonde et la plus décadente”), cette forte tête animée par sa passion est alors aspirée par la grande histoire, les défilés fascistes (où elle se fait tabasser), la Libération, le guerre du Vietnam…
Boyd réussit une fresque de facture conventionnelle mais fine et incarnée, grâce au caractère impétueux de son héroïne qui promène son objectif sur tous les hot spots du XXe siècle. Aventurière et amante, elle photographie un homme tendrement aimé, le cadavre d’un soldat allemand, des GI au Vietnam. Toutes ces photos égrènent le texte, concourant à rendre sa lecture trépidante et son héroïne théâtrale et attachante. Seules ses mises en scène de la cruauté, à laquelle le pouvoir photographique confère grâce et fixité, conjurent les vieilles douleurs.
Les Vies multiples d’Amory Clay (Seuil), traduit de l’anglais par Isabelle Perrin, 528 pages, 22,50 €
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