Plus de trente ans après La Servante écarlate, Margaret Atwood retourne à Galaad, ce pays autoritaire et féminicide, pour mieux le faire chuter dans Les Testaments. Une suite sans style et traînarde.
Margaret Atwood a écrit La Servante écarlate en 1984, clin d’œil au roman dystopique de George Orwell, à Berlin-Ouest – à côté, Berlin-Est était encore soumis à la dictature soviétique. Parfait timing et lieu pour écrire sur une société autoritaire assez réaliste : quand les femmes sont divisées par classe, avec au bas de l’échelle les Servantes, ces esclaves sexuelles qui ne servent qu’à la procréation.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Margaret Atwood, grande dame des lettres anglo-saxonnes
Paru en 1985 (en 1987 en France), vendu à huit millions d’exemplaires rien que dans les pays anglophones, adapté au cinéma par Volker Schlöndorff en 1990 et en série en 2017, en plein scandale Weinstein et mouvement MeToo, ce roman féministe a imposé la Canadienne en grande dame des lettres anglo-saxonnes.
En Angleterre et aux Etats-Unis, elle est vénérée – c’est donc là-bas que la sortie des Testaments, la suite de La Servante écarlate, trente ans après (par opportunisme lié au succès de la série ? Mauvaises langues…), a été fracassant, avec fans déguisés en Servante lors de la première signature d’Atwood dans une librairie à minuit.
Un rythme qui s’enlise
Les Testaments, donc, met longuement en place le dispositif et les associations qui vont mener Galaad, ce pays ultra-religieux – les Etats-Unis du futur – à sa destruction (annoncée dans le premier volume). Plusieurs voix s’entrecroisent : celle de Tante Lydia – les Tantes sont celles qui forment les Servantes –, celle d’Agnès, une fille de Commandant (plus haut grade pour les hommes) qui découvre que sa mère, une Epouse (plus haut grade pour les femmes), n’est pas sa vraie mère, et d’autres…
Les moments dévolus aux unes ou aux autres s’alternent, comme dans une série ; le rythme, hélas, s’enlise dans un grand ventre mou. Car contrairement à sa réputation, Margaret Atwood n’a jamais été un grand écrivain ni un écrivain tout court. Pas d’écriture, pas de style, pas de voix.
C’est une romancière dont le souci, comme tout auteur de best-seller, n’est pas d’être littéraire mais d’être efficace narrativement : être claire, faire des phrases courtes, créer un suspense qui retienne le lecteur. Il faut donc la juger pour ce qu’elle est : une romancière populaire.
Or, c’est là que le bât blesse : pas de rythme, trop de répétitions et de longs tunnels… Après deux cents pages, dire qu’on se fiche de Galaad et de ces dingues relève de l’euphémisme. Reste qu’il faut lui reconnaître quand même un certain génie. Oui, Atwood a eu du génie, celui de ne rien inventer pour en fait mieux dévoiler l’horreur qui se joue, ici et maintenant, contre les femmes.
Situations féminicides puisées dans la réalité
Toutes les situations liberticides ou féminicides qu’elle décrit, elle s’est contentée de les puiser dans la réalité, du passé ou du présent. Des femmes violées ou harcelées réduites au silence ou non entendues, des femmes jugées, voire tuées, si elles sont trop intelligentes, rebelles ou indépendantes sexuellement, le corps des femmes instrumentalisé pour la procréation ou la tenue de la maison, ce même corps qui doit être entièrement recouvert pour ne pas provoquer de désir chez les hommes…
Ça ne vous rappelle rien ? En transposant dans une société future un concentré de toutes les situations imposées aux femmes avant-hier, hier et aujourd’hui, Margaret Atwood a su rendre visible ce qu’il y a d’effroyable, d’insoutenable, de fou dans ce que nombre de femmes vivent pourtant tous les jours. Et que nos sociétés tolèrent sinon encouragent.
Les Testaments (Robert Laffont/Pavillons), traduit de l’anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch, 552 p., 22,90 €
{"type":"Banniere-Basse"}