Son enfance en Argentine durant la dictature, le silence imposé, la résistance organisée entre femmes. Autant de sujets au cœur du nouveau roman de Laura Alcoba.
C’est comme si on entrait dans les coulisses d’un travail d’écriture. Laura Alcoba a raconté dans plusieurs romans autobiographiques son passé de petite fille née en Argentine sous la dictature, ses parents opposants politiques, son arrivée en France à 10 ans. Ici, elle analyse comment les années où avec sa mère elle vivait dans la clandestinité, après l’incarcération du père, ont façonné une vie d’écrivaine. Des années marquées par la nécessité de se taire, sous peine de les mettre en danger toutes les deux, et hantées par la peur de ne pas y parvenir.
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L’autrice du Bleu des abeilles construit une déambulation faite d’événements, de rencontres ou de lectures d’aujourd’hui qui fortuitement font naître des souvenirs. Comme toujours dans la collection Traits et portraits, des images jalonnent le texte et Alcoba, qui a grandi dans une ville au bord d’un fleuve, convoque tout un imaginaire aquatique. On retrouve tout au long du livre le souvenir du Rio de la Plata qui déborde, emporte tout, se fait dangereux quand on le croit calme. Il est, par ses rives éloignées l’une de l’autre, la concrétisation d’un ici et d’un là-bas, et ce fleuve qu’on traverse pour passer d’un monde à un autre devient le chemin d’un texte chargé d’émotion pure. Peu à peu, la réalité d’une enfance volée apparaît : “Le silence était partout. Pour passer d’un espace à l’autre, je prenais de grands tunnels silencieux et n’emportais rien de l’autre côté“.
Sororité en temps de guerre
Mais ce livre est aussi un beau témoignage sur la place et la solidarité entre femmes dans la résistance argentine, et sur l’héritage maternel. Après avoir construit sa vie en France, alors que la dictature est tombée depuis des années, c’est la naissance de sa fille, il y a vingt ans, que Laura Alcoba retrouve des souvenirs liés à la clandestinité, avec la prise de conscience soudaine qu’enfant elle aurait pu mourir dans la maison où elle était cachée avec sa mère. Prise de conscience qui a déterminé l’écriture de son premier livre.
Les Rives de la mer douce de Laura Alcoba (Mercure de France, coll. Traits et portraits), 160 p., 17,80 €
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