Sous influence durassienne, l’écrivaine américaine Katie Kitamura raconte l’errance d’une femme en Grèce après que son mari a disparu. Une découverte.
C’est un roman envoûtant, impossible à classer dans un genre littéraire précis, drame psychologique ou roman noir teinté de paranormal. Mais dès les premiers paragraphes on est attrapé par la voix feutrée de la narratrice. Une héroïne dont on ne sait rien, qui semble étrangère au monde et à sa propre vie.
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Lorsqu’on rencontre Katie Kitamura, on ne sait pas non plus grand-chose d’elle. Les Pleureuses est le premier roman traduit en français de cette Californienne d’origine japonaise, qui a vécu à Londres avant de s’installer à Brooklyn.
A propos de sa phrase tout en digressions, elle avoue ne pas avoir suivi de cours de creative writing, contrairement à beaucoup de romanciers américains de sa génération, parle de sa volonté d’échapper au roman traditionnel : “Je voulais qu’on ne connaisse la narratrice qu’à ce moment précis de sa vie, qu’on n’ait pas d’informations sur son passé”, et explique : “J’aime Duras. Pour vous, c’est peut-être évident, ça ne l’est pas quand on a grandi avec les classiques américains. A 17 ans, dans un cours de littérature française à l’Université, j’ai lu La Jalousie de Robbe-Grillet. Soudain, je découvrais qu’il est possible de raconter autrement ou même de ne pas raconter une histoire. Il y a cette tradition aux Etats-Unis du roman parfait, absolument exécuté où tout fonctionne bien. Mais aller vers de nouvelles choses m’intéresse.”
Un chagrin très ancien
Et tout, dans son roman, déroute. Le lieu, au fin fond de la Grèce, un mystérieux hôtel désert hors saison. Des chiens menaçants rôdent aux alentours, la narratrice éprouve une sorte de fascination pour une vieille femme du village, qui se dit pleureuse professionnelle. Mais il y a aussi le mariage inexplicablement raté avec Christopher, dilettante magnifique qui, de façon inquiétante, vient de disparaître.
Le roman est tout entier contenu dans le cheminement intime de la narratrice, ses interrogations, ses observations. “J’étais très intéressée par la question de savoir comment créer une tension narrative sans m’appuyer sur l’intrigue, avoue la romancière. Je voulais créer une tension intérieure.” Longtemps on s’interroge sur cette héroïne, et sur son chagrin qui semble beaucoup plus ancien que ses problèmes de couple, et sur lequel Kitamura se tait pudiquement.
Les Pleureuses (Stock), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Denis Michelis, 304 pages, 21,50 €
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