A travers l’histoire d’un tableau et du XXe siècle, Jessie Burton, l’auteure de Miniaturiste, signe un beau roman à l’anglo-saxonne pour questionner la place des femmes dans l’histoire de l’art.
Que l’on ne s’y trompe pas. Ce n’est pas tant sa construction – millimétrique – qui donne sa plus grande valeur à ce livre. Elle conjugue pourtant tous les ingrédients qui en font un roman bienvenu pour l’été, en particulier l’accumulation de rebondissements inattendus. Cette mécanique bien huilée, peut-être un peu trop, a d’ailleurs probablement fait le succès du premier roman de Jessie Burton, Miniaturiste, sorti en France en 2015.
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Elle est donc toujours efficace dans Les Filles au lion, roman qui entrelace deux histoires, l’une à Londres en 1967 et l’autre en Espagne en 1936. Entre les deux époques circule un mystérieux et envoûtant tableau, qui surgit dans une galerie d’art anglaise trente ans après avoir été peint en Andalousie. De chapitre en chapitre, des fils se tissent entre les deux histoires, et les deux époques se rejoignent selon un mécanisme savamment agencé.
Jessie Burton sait judicieusement mêler à son roman des faits réels très documentés, comme l’horreur de la guerre d’Espagne, l’histoire des grands marchands d’art européens au début du XXe siècle ou encore les relations complexes qu’entretiennent après la décolonisation les Londoniens et les ressortissants de l’ancien Empire britannique. Cependant, le plus important est ailleurs, plus précisément dans ce que raconte en filigrane ce livre qui interroge la place des femmes dans l’histoire de l’art et leur attitude face à leur propre création.
Confrontées à un monde d’hommes
Olive est une jeune peintre exilée en Espagne en 1936. Odelle, née dans les Caraïbes et immigrée à Londres dans les années 1960, est une romancière en devenir. Aucune des deux n’a pour habitude de montrer son travail à qui que ce soit. Dès lors se pose la question de l’existence d’une œuvre tant qu’elle n’est pas publique. Autour d’elles s’enroulent des événements qui ont à voir avec les mêmes problématiques : l’action contre la discrétion, la reconnaissance contre l’anonymat, la rébellion contre l’obéissance.
Surtout, ces deux créatrices sont confrontées à un monde d’hommes, et ce roman met en scène des femmes qui, face à la difficulté d’exister en tant que créatrices, sont épaulées par d’autres femmes. De ce fait, les personnages féminins constituent les ressorts d’une fiction plus complexe qu’il n’y paraît, où les hommes se retrouvent emportés dans une histoire qui leur échappe.
Les Filles au lion (Gallimard), traduit de l’anglais par Jean Esch, 496 pages, 22,50 €
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