L’ancien chauffeur du président de la République a été de 2012 à 2015 son « conseiller en normalité ». Il témoigne dans un livre en forme de confession (fictive et humoristique). Florilège d’anecdotes.
C’était le 7 mai 2012 au matin. Le chauffeur de François Hollande – Jean-Pierre Tulle (un pseudonyme) – reçoit un appel du nouveau président de la République : « Jean-Pierre, j’aime votre franchise. Vous êtes le seul qui me dise la vérité. J’ai une proposition à vous faire : accepteriez-vous de me suivre à l’Elysée ? Vous serez mon conseiller en normalité. Je suis entouré de gens anormaux, vous serez ma connexion avec la réalité ». C’est ainsi qu’un simple chauffeur s’est retrouvé soudainement propulsé dans les coulisses du Château, à assister à toutes les réunions…et à précipiter les couacs et les plantages à répétition.
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Dans Tout est de ma faute ! Mes trois ans dans l’intimité de François Hollande (éd. de La Martinière), l’homme qui murmurait à l’oreille du président se confie. Il s’agit évidemment d’un pastiche : rien de tout cela n’est vrai, la satire fonctionne à plein régime… Tout en étant plausible. Florilège d’anecdotes sur les rebondissements du mandat de François Hollande.
1 – La punchline de campagne
Pendant la campagne de 2012, alors que la voiture du candidat s’achemine – sous la pluie, déjà – sur une départementale de province, François Hollande fait part de sa stratégie à son chauffeur : “La France est en burn out : après un mandat entier d’omniprésidence, elle a surtout besoin de calme et de modestie. Ça, c’est un job pour moi. Je serai le joint qui fera décrocher le pays après cinq ans de cocaïne”.
2 – L’embarras de Hollande après sa rencontre avec Merkel
Le lendemain de son élection, François Hollande va voir Angela Merkel, et lui explique bille en tête que la rigueur et l’austérité, c’est fini. A la surprise générale, la chancelière allemande répond : « Pourquoi pas »! Pourtant, dans le train du retour, Hollande est effondré, et confie à son chauffeur : « Je suis un libéral […] Je pensais que Merkel allait dire non. ça nous laissait les coudées franches pour ne pas bouger. […] Maintenant je fais quoi ? Je ne peux pas mener une politique qui ne me ressemble pas ».
3 – Comment le directeur de Pôle emploi a rassuré F. Hollande
Quand François Hollande s’est inquiété du taux de chômage, il a fait appel au directeur de Pôle emploi, Thomas Cazenave. Egalement convié, Jean-Pierre Tulle se souvient de l’entretien, au cours duquel Cazenave tente de rassurer le président :
« – La reprise est au coin de la rue. Il y a des initiatives extraordinaires dans ce pays : il y a des viviers d’innovations, des success stories dont les médias ne parlent pas.
– Vous avez des exemples?
– Oui. Nous. Pôle emploi. Ça se passe super: tous les voyants sont au vert. Franchement, j’ai jamais bossé dans une boîte comme ça : la demande explose, on est leader en parts de marché, leaders en satisfaction clients, on a optimisé nos process, on a des ambitions à l’international… Et on embauche à tour de bras : 4000 personnes rien que cet été, sans parler des prestataires. »
4 – La métaphore d’Aquilino Morelle sur la ligne de F. Hollande
« Vous voyez, Jean-Pierre, m’a dit un jour Aquilino Morelle, la ligne de Hollande, c’est comme du polish sur du similicuir. »
5 – Le débat sur le mariage pour tous
Alors que le mariage pour tous est en passe d’être voté, François Hollande provoque un débat national sur la question. Son chauffeur l’interroge :
« – Mais pourquoi ouvrir un débat ? C’est une promesse : faites-la passer, et puis voilà.
– Non, je préfère qu’on s’engueule. D’abord, c’est plus marrant; ensuite, c’est plus pérenne. Ça permet de vider l’abcès avant de passer à autre chose. La France a perdu ses repères, Jean-Pierre : c’est important de lui montrer ses cons. François Mitterrand a eu la peine de mort, j’aurai le mariage pour tous. »
6 – L’affaire Cahuzac
Après les révélations sur le ministre des Finances Jérôme Cahuzac, une cellule de crise est montée à l’Elysée. Jean-Pierre Tulle retranscrit l’ambiance:
« Je n’ai assisté qu’à la première réunion. […] Les seules choses que je me rappelle, c’est qu’un des conseillers était plutôt positif, puisqu’on avait peut-être enfin trouvé l’ennemi invisible. Un autre avait préparé tout un dossier sur la transparence : le président lui a répondu : ‘Ta gueule’. […] La réunion s’est terminée quand on a frappé à la porte. C’était pour annoncer à Aquilino Morelle que ses chaussures étaient cirées”.
7 – L’affaire Léonarda
Après l’affaire Léonarda, cette jeune Rom expulsée avec sa famille vers le Kosovo, une réunion a lieu entre socialistes. Une dir’ cab de l’aile gauche interpelle Manuel Valls :
« – Cette gauche du cœur, cette gauche héroïque et généreuse de Blum et Jaurès, qu’en avez-vous fait, monsieur Valls ?
Valls s’est dressé d’un bond, les poings serrés.
– C’est aussi mon héritage! Être de gauche, c’est refuser la misère! Et donc, c’est la reconduire à la frontière ! Être de gauche, c’est refuser l’exploitation de la misère par les mafias ! C’est refuser les bidonvilles, la mendicité, les grisettes et les enfants à la mine ! Et c’est croire à la laïcité, au progrès, à l’éducation pour tous, à toutes ces choses d’avant, pour lesquelles la gauche s’est tellement battue ! Voilà ce que c’est, madame, que d’être de gauche ! C’est se souvenir qu’on l’a été !
Il s’est rassis. Une moitié de la salle l’applaudissait à tout rompre ; l’autre pleurait. François faisait les deux : c’est-à-dire qu’il pleurait de l’oeil gauche, tout en agitant la main droite dans le vide. »
8 – Jour de colère incognito
Lors de la manifestation « Jour de colère », François Hollande insiste pour se mêler à la foule, déguisé, pour écouter les motifs de mécontentement. Sans ses lunettes, il ne voit pas bien, et demande à Jean-Pierre de lui lire le slogan inscrit sur une pancarte, brandie par un homme isolé :
« – Mélenchon démission!
-???
Il s’approche et va voir l’homme en question :
« – Bonjour, monsieur. Excusez-moi de vous importuner, mais pourquoi réclamer la démission de Mélenchon ? Il n’est pas au gouvernement. L’homme m’a regardé droit dans les yeux, puis, sûr de lui, m’a répondu : « C’est ce que vous croyez »
9 – Le premier discours de Valls Premier ministre
« Avec François, on a regardé le premier discours de politique générale de Valls, tout en mangeant des chips devant la télé. Nous avions fait un pari : à chaque fois que Valls prononçait le mot ‘France’, François prenait une poignée de chips; à chaque fois qu’il prononçait le mot ‘socialiste’, j’en prenais une. François a fini par aller vomir aux toilettes et moi, je suis resté sur ma faim. Trente-deux fois ‘France’ contre trois ‘socialiste' ».
10 – Sarkozy de retour
« Le 19 septembre, Nicolas Sarkozy n’a surpris personne en annonçant son retour en politique. Mais il a surpris la France entière en ajoutant, non pas qu’il avait changé, mais qu’il allait changer l’UMP, ‘de fond en comble’, dès qu’il aurait pris la présidence du parti. A l’Elysée, les conseillers en stratégies en sont restés babas :
– Il a changé de façon de changer.
– Il est très fort. Il a toujours un coup d’avance. »
Tout est de ma faute ! Mes trois ans dans l’intimité de François Hollande, de Jean-Pierre Tulle, éd. de La Martinière, 192 p., 14,5€
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