Le journaliste de Mediapart Mathieu Magnaudeix a résumé le plan de bataille d’Emmanuel Macron pour accéder au poste de président de la République. Une enquête minutieuse et fouillée où le résultat final s’apparente à un « braquage de banque ».
« Je me suis sentie comme si je venais de braquer une banque ». L’aveu est signé de la sénatrice de Paris Bariza Khiari, socialiste devenue macroniste, au lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle. Le 23 avril 2017, Emmanuel Macron, quasi inconnu du grand public trois ans auparavent, vient de bouleverser le landerneau politique.
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Exit Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon, François Hollande ou Manuel Valls. Place au plus jeune président de la Ve République, 39 ans, et à son armée de « marcheurs ». Cette croisade est très justement racontée dans Macron & Cie, Enquête sur le nouveau président de la République (éd. Don Quichotte), du journaliste de Mediapart Mathieu Magnaudeix (aidé de l’ensemble de sa rédaction). Pour l’auteur, le constat est limpide : “Cette victoire, c’est avant tout le fruit d’une stratégie méthodique de conquête du pouvoir.”
Découpé en trois grands volets, « Le business plan », « L’OPA » et « Aux commandes », cet ouvrage, dense et sourcé mais sans grandes révélations, s’applique à une analyse factuelle de l’ascension du secrétaire général adjoint de l’Elysée de François Hollande, nommé ensuite ministre de l’Economie. Partant de ses vies antérieures, son éducation, ses études puis ses premières tentatives au niveau local dans la ville du Touquet ou son passage à la commission de Jacques Attali, on découvre comment Emmanuel Macron a méticuleusement tissé un réseau influent, véritable ciment de sa campagne.
La « bande de HEC » et les réunions Tupperware pour lever des fonds
Le sixième chapitre de la première partie du livre, intitulé Les secrets d’une levée de fonds hors norme se révèle l’un des plus intéressants. On y découvre alors les rouages d’un système ultra organisé pour récupérer un maximum d’argent en un minimum de temps et, surtout, en toute discrétion. « La bande de HEC », composée de Cédric O (aujourd’hui conseiller conjoint du président de la République et du Premier ministre , ainsi que le trésorier de La République en marche !), Stanislas Guérini (député de la 3e circonscription de Paris) et Emmanuel Miquel (conseiller entreprise, attractivité et export, selon Le Canard enchaîné) s’organise autour de Christian Dargnat, le président de l’Association de financement d’En marche ! (Afema), considéré comme « l’homme du coffre-fort ».
La mission est claire et tient en quelques lignes d’un courriel envoyé en septembre 2016 par Dargnat lui-même à ses troupes :
« Quand on sait que les dépenses de campagne présidentielle sont limitées à 22 millions d’euros et que nous pourrions contracter un prêt bancaire (à hauteur de 9 millions) remboursé si le candidat dépasse le seuil des 5 % aux élections, il nous reste donc à ‘trouver’ 13 millions. »
En coulisses, les membres de ce qui n’est encore qu’une « PME Macron » activent leurs réseaux, qui mélangent cadres de grandes entreprises, banquiers d’affaires en entrepreneurs successful. De véritables réunions tupperware hallucinantes ont lieu régulièrement, pour amasser les chèques. Page 81, on peut lire un résumé « piquant »mais « instructif » :
La maîtresse de maison a dit : « Pas de photos, surtout pas d’Instagram, pas de réseaux sociaux, les selfies, n’en parlons pas, tout ce qui se dira au cours de cette soirée doit rester strictement confidentiel. […] Dans cet appartement somptueux aux lumières tamisées, le champion Emmanuel Macron est en train d’offrir une performance privée de grande qualité. Les invités courent en moyenne dans la catégorie CSP + chic, quinqua et au-delà, les dames ont des vestes Chanel et ces messieurs ont les souliers qui brillent. Ils sont enchantés et distribuent des sourires de bienveillance à la pelle. L’assemblée boit du petit-lait et du bon vin. La dame raconte une scène cocasse : ‘Lorsque Emmanuel, au détour d’une phrase, rappelle qu’il est aussi socialiste et qu’il taxera prioritairement les retraités aisés, ça fait un peu l’effet d’un coitus interruptus’, En Marche avec un caillou dans la Berluti, on va pas aller loin, se disent alors certains. C’est le moment poilant de la soirée. »
« Ce qui fait le succès d’une stratégie, c’est la victoire à la fin »
Le long du livre, aucune étape de cette ascension express de Macron vers la plus haute marche du pouvoir n’échappe à la rédaction de Mediapart, qu’on sent pas franchement fan du personnage. De ses influences politiques et philosophiques, à son mode de communication ficelé, la théorisation de la présidence Jupiter et sa « pensée trop complexe » pour les médias, le choix étonnant de son Premier ministre jusqu’aux couacs du début de règne, avec le départ forcé de quatre ministres en un mois, tout y est.
« Ce qui fait le succès d’une stratégie, c’est la victoire à la fin », lâche régulièrement l’éminence grise Ismaël Emelien, résumé aussi simple qu’inquiétant pour le futur. Le livre se termine sur les dossiers chauds qui attendent le président lors de cette rentrée, avec en première ligne la réforme du Code du Travail, explosive. « Pour l’hypnotiseur Emmanuel Macron, l’état de grâce est bientôt terminé », conclut Mathieu Magnaudeix.
Macron & Cie, Enquête sur le nouveau président de la République, par Mathieu Magnaudeix avec la rédaction de Mediapart, éd Don Quichotte.
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