Et si la plus grande excentricité contemporaine, c’était la banalité poussée à l’excès ? Démonstration tirée par les mèches décolorées avec Flavie Flament, animatrice télé reconvertie en écrivaine.
Banale, forcément banale. Flavie Flament, c’est la girl next door par excellence (enfin quand même un peu « plus bonne que la plus bonne de tes copines » : la blonde fut intronisée Miss OK Normandie en 1988). Il y a quelques semaines encore, le journal Libération lui consacrait un portrait et soulignait la « banalité rassurante » et la « joliesse tranquille » de l’ancienne animatrice de TF1 et ex de Benjamin Castaldi, devenue… romancière.
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Fini les paillettes, les prime time, la présentation des championnats du monde de dominos et les photos dénudées dans Gala. Aujourd’hui, Flavie met son temps de cerveau disponible au service de la littérature et publie Les Chardons, un texte qui manie un sens de l’ellipse tout durassien – « C’est fini. Des cendres. Du vent… Chaud. Un enfant » – avec beaucoup d’espaces et de blancs comme dans les poèmes de Mallarmé.
Le livre raconte la vie d’une femme à différents âges : Poupette amoureuse du rebelle du lycée, Poupette anorexique, Poupette trompée, Poupette au Monoprix… Il est aussi question de l’horoscope du Parisien, de l’odeur du poulet rôti et des pets d’après-gigot. On ne sait pas s’il s’agit d’autofiction. En tout cas, Flavie Flament persévère dans l’ordinaire et le lieu commun avec une fascinante abnégation qui confine au sublime. « Elle aime les clichés », écrit-elle dans Les Chardons, lapidaire. Définitive. Et cette normalité affichée, presque revendiquée, fait d’elle une excentrique contemporaine.
Aujourd’hui, c’est l’extravagance qui est triviale. Tout le monde cherche à se démarquer pour mieux s’individualiser. Reflet déformant de notre époque, la téléréalité exhibe cette tendance à exacerber sa singularité et ses différences. N’importe quel candidat de Secret Story (émission présentée par Benjamin Castaldi, tiens, tiens), qu’il soit prêtre transsexuel ou princesse SM, arbore un look qui ferait passer John Galliano pour un moine trappiste.
Flavie, elle, n’arbore qu’un discret tatouage sur l’épaule. C’est une fille lambda qui se fond dans le décor, un peu comme son personnage, qui « voudrait passer derrière le papier peint ». Flavie, c’est le charme discret de l’insipide (Flavie sans flavour) avec une touche crypto-situ. En quittant TF1 et Castaldi, elle a rompu avec la société du spectacle, et même avec la société dans son ensemble. Guy Debord en monokini et au balayage effet soleil, Flavie Flament incarne l’excentricité postmoderne. Tout simplement.
Elisabeth Philippe
Les Chardons (Le Cherche Midi), 195 pages, 15 euros
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