[Extrait de notre dossier en « une » cette semaine sur les sex-addicts.] Alors que les sites et applis de rencontres sont conçus pour faciliter les contacts, la solitude IRL n’en reste pas moins vivace pour les usagers. Analyse d’un mal du siècle.
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Tinder a-t-il tué l’amour ? Le soupçon pèse insensiblement sur l’appli aux 50 millions d’utilisateurs, et sur ses consœurs. On les accuse de rendre la drague industrielle, de n’être qu’un moyen de flatter son égo en multipliant les « match », ou encore de simplifier un sentiment complexe et ineffable…
En apparence destinées à faciliter la recherche d’une liaison amoureuse, elles ne feraient qu’accentuer la frustration de milliers de célibataires pris dans la tourmente des « date » sans lendemain. Étrange paradoxe : alors que l’amour semble être à portée de pouce, la souffrance amoureuse perdure.
La libération sexuelle récupérée par le marché
Dans un livre paru en 2012, Pourquoi l’amour fait mal (Seuil), la professeure de sociologie à la Hebrew University de Jérusalem Eva Illouz analysait ce phénomène. Selon elle, “la douleur amoureuse moderne témoigne d’expériences sociales et culturelles nouvelles”, dont beaucoup sont liées à l’émergence du net.
A travers un mode de sélection du partenaire inspiré par une logique de marché, les sites ont tout d’abord “rationalisé l’amour”. D’une certaine manière, la libération sexuelle a ainsi été récupérée par le marché. “Internet a radicalisé la notion d’un moi ‘sélecteur’ et l’idée que la rencontre amoureuse devrait être le résultat du meilleur choix possible”, affirme la sociologue.
« Noyé dans la masse des partenaires potentiels et interchangeables »
Cette logique a ses limites, car le catalogue infini des profils sur les sites de rencontre met notre capacité à choisir à rude épreuve : “La multiplication du nombre d’options entrave, plutôt qu’elle n’autorise, la capacité à s’engager dans une relation unique.” Elle témoigne aussi d’un changement majeur dans notre rapport à l’amour :
“Le sentiment irrésistible de singularité absolue qui était jadis la condition du sentiment amoureux a changé, laissant l’individu noyé dans la masse des partenaires potentiels et interchangeables.”
Paradoxalement, alors qu’internet nous connecte, il nous sépare aussi. Une confusion entre la proximité virtuelle et la distance réelle change la nature de nos relations, à tel point que la rencontre physique finit parfois par ne plus être un but en soi.
« L’idéalisation devient de plus en plus difficile »
Si ces sites et ces applis marquent l’apogée de la désacralisation de la sexualité, ils ne répondent pas au fantasme de l’amour absolu, toujours très prégnant au sein de la jeunesse. “Tout se passe comme si le désir amoureux était de moins en moins déterminé par l’inconscient. (…) L’idéalisation (…) devient de plus en plus difficile”, concluait Eva Illouz. La garantie de ne plus se prendre de râteau, comme le permettent ces applications, a un prix que nous ne sommes sans doute pas prêts à payer.
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— les inrocks (@lesinrocks) 2 de marzo de 2016
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