Entre récit épique et bande dessinée érotique, le dessinateur français Charles Berberian livre sa version de l’histoire du lunatique roi Gilgamesh.
Il a suffi d’un échange de regards pour que débute l’épopée de Charles Berberian. Visitant le musée du Louvre il y a une décennie, les iris en lapis-lazuli d’une statuette haute d’une cinquantaine de centimètres l’attirent irrémédiablement. Datant de plus de deux millénaires avant J.-C., cet être de pierre porte le nom d’Ebih-Il. L’homme aux yeux bleus aurait occupé les fonctions d’intendant.
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Dix ans plus tard, le dessinateur fait d’Ebih-Il son personnage et le scribe d’une des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité, L’Epopée de Gilgamesh. Profitant de l’occasion pour se reconnecter avec une partie de ses racines – Gilgamesh régnait en Mésopotamie, soit l’Irak d’aujourd’hui, le pays natal de Charles –, il revisite ce monument avec le plaisir de raconter des histoires éternelles mais en y injectant beaucoup de sensualité.
Une éclatante relecture du mythe
Les Amants de Shamhat s’ouvre ainsi sur une séquence torride montrant Gilgamesh en train de faire l’amour à sa courtisane Shamhat. Dès qu’une contrariété apparaît, Gilgamesh, héros égoïste et divinité tyrannique, demande à exécuter toute personne qui pourrait en être la source, directe ou non. Mais il s’écrase devant Shamhat, cette amoureuse qui peut tout lui dire, même : “Ton sexe est toujours aussi sucré mais ta peau est de plus en plus flasque et tu pleurniches tout le temps.” La vie de Gilgamesh bascule quand il la charge de lui ramener un léopard blanc : elle revient, à la place, avec le jeune homme mutique Enkidu, son nouvel amant.
Charles Berberian s’éclate à relire ce mythe en y insufflant son humour et ses obsessions graphiques
Jonglant de manière virtuose entre les techniques, mêlant peinture et l’utilisation d’une tablette, Charles Berberian s’éclate à relire ce mythe en y insufflant son humour et ses obsessions graphiques. Entre des passages dialogués surgissent ainsi de magnifiques pages de paysages mues par un tel souffle de vie que l’on touche le papier en se demandant si l’encre est vraiment sèche.
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Si les teintes bleutées dominent le livre, l’apparition des autres couleurs provoque de joyeux feux d’artifice muets. Les Amants de Shamhat célèbre avec grâce les quinze ans de la collection instituée par les éditions Futuropolis et le musée du Louvre, et qui, jamais tombée dans l’institutionnel, s’est imposée comme une belle enclave poétique.
Les Amants de Shamhat. La véritable histoire de Gilgamesh (Futuropolis/Louvre éditions), 128 p., 20 €
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