Il·elles sont quatre à émerger avec des livres forts et ultra-contemporains, ou comment la France d’aujourd’hui et de demain s’écrit et s’écrira depuis ses marges.
Ces quatre jeunes écrivain·es s’appellent Marin Fouqué, Kaoutar Harchi, Mathieu Palain et Maryam Madjidi. Ils et elles ont respectivement 30, 34 et 33 ans, et la dernière a fêté ses 41 ans il y a quelques jours.
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Chacun·e a grandi à la campagne ou en banlieue, à l’ombre de faits divers tels que ces gamins morts à Clichy-sous-Bois en 2005 et des émeutes qui ont suivi, et a choisi l’écriture très tôt, pour dire son vécu, cette réalité de la périphérie dont ils et elles n’ont plus envie de laisser à d’autres, installé·es au centre, le soin de parler à leur place, ou pire, d’y projeter leurs fantasmes, ou encore de la passer sous silence.
Leurs nouveaux livres les imposent comme les représentant·es d’une jeune génération passionnante, en décalage avec ses aîné·es, beaucoup plus engagée, miroir d’une réalité contemporaine longtemps laissée à la marge et qui s’invite au premier plan, quelque part entre Virginie Despentes et Nicolas Mathieu. “Nous sommes une génération très politisée, acquiesce Marin Fouqué, que ce soit sur le plan des luttes sociales, raciales, LGBT+.” Avec G.A.V., il réunit plusieurs échantillons de la société française le temps d’une nuit de garde à vue. Dans ce livre choral, la langue pulse puissamment : “C’est le rap qui m’a inspiré.”
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Tous et toutes s’inspirent du contemporain sans jamais cesser d’être littéraires, qu’il s’agisse de narrative nonfiction avec Palain, de roman avec Fouqué, de roman autobiographique chez Madjidi ou de récit chez Harchi. Chacun·e interroge un parcours par le prisme des institutions républicaines, la police, la prison, l’école.
Est-on vraiment libres, égaux·ales et fraternel·les, partout où l’on se trouve ?
Dans la France d’aujourd’hui, a-t-on vraiment tous et toutes les mêmes chances, qu’on soit issu·es de l’immigration ou pas ? Est-on vraiment libres, égaux·ales et fraternel·les, partout où l’on se trouve ? Ce sont ces questions ultra-actuelles, posées par la société elle-même et héritées aussi de ce passé colonial que la France doit assumer, qui travaillent ces textes.
La précarité sociale, l’immigration et l’exil hantent aussi les livres de Maryam Madjidi et Kaoutar Harchi
“Je me suis posé la question : avais-je le droit de parler de Toumany Coulibaly à sa place, de l’exposer sans m’exposer aussi ?”, raconte Mathieu Palain qui, originaire de Ris-Orangis comme l’athlète emprisonné, explore un double destin. Coulibaly, lui, a grandi dans un minuscule appartement, cinquième enfant d’une famille malienne de dix-huit dont le père est éboueur.
La précarité sociale, l’immigration et l’exil hantent aussi Pour que je m’aime encore et Comme nous existons. Maryam Madjidi et Kaoutar Harchi signent parmi les premiers beaux textes disant de l’intérieur ce que c’est que de grandir en France quand on est soi-même immigré·e, ou enfants d’immigré·es musulman·es, dans une banlieue pauvre.
Colère calme
“Pour moi, il s’agissait plus de questions sociales que raciales”, confie la Franco-Iranienne Maryam Madjidi. Son roman raconte, avec justesse et aussi humour, la hiérarchie sociale entre pavillons et HLM, misère, pauvreté et petite bourgeoisie à Drancy, où elle s’est réinstallée, ainsi que ce à quoi on se heurte quand on franchit le cap des hautes études et qu’on accède à un milieu bourgeois.
En sociologue, Kaoutar Harchi a choisi de délaisser le roman pour raconter au plus près sa famille d’origine marocaine, “en refusant de la racialiser”. “J’évite les scènes où ma mère porte le voile. J’en ai assez qu’on nous condamne à une culture alors qu’on en a plusieurs.” Une colère calme. Celle avec laquelle on écrit le mieux. La relève est assurée.
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