Avec “I Am the Eggman” et ses centaines de variations dans un même cadre, le dessinateur belge José Parrondo signe un livre performance en matière d’humour absurde et minimal.
“Un œuf qui regarde par une fenêtre ça déclenche des trucs chez moi. C’est normal, docteur ?”, s’amuse – par mail – José Parrondo. L’artiste belge aime partir de formes simples pour créer ses personnages. Avec I Am the Eggman, il a sans doute réalisé un chef-d’œuvre de concision graphique.
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Baptisé d’après les paroles d’I Am the Walrus des Beatles, l’œuf Eggman est simplement habillé de sa coquille et pourvu de deux yeux expressifs. Ce protagoniste à la silhouette épurée habite un univers muet, aussi minimal que lui. Son environnement proche se limite souvent à une fenêtre, une porte, un aquarium ou un tableau. Parfois, il s’agit d’un phylactère vide.
Un enchantement de l’œil
Ce microcosme, on pense en faire le tour rapidement et, pourtant, l’explorer pendant trois cents pages est un ravissement, malgré la même mécanique implacable – quatre cases, un gag. José Parrondo donne dans un humour singulier, nourri de mises en abyme et d’illusions.
Il provoque le décalage en jouant avec les perspectives, les aplats et les volumes ; il transforme les onomatopées en éléments de décor. Les tours de passe-passe qu’il réalise ont un lien de parenté avec l’Upside-Down World du Néerlandais Gustave Verbeek (1867-1937), ces dessins qui, mis à l’envers, prenaient un sens différent.
“La contrainte est un déclencheur d’idées”
Le miracle d’I Am the Eggman vient de la capacité de Parrondo à renouveler l’enchantement de l’œil, séduit par ces amusantes chutes absurdes (voire énigmatiques) amenées en quelques traits. Là où beaucoup perdraient leur souffle dans ce cadre formel réduit et presque étouffant, lui paraît au contraire s’épanouir dans la multiplication et les variations non-sensiques.
“Quand on crée sous contraintes on suit des règles, comme dans un jeu, confirme Parrondo. La contrainte est un déclencheur d’idées. Moins j’ai d’éléments, plus je m’amuse à trouver des variantes.” Sa performance tient aussi à son honnêteté : il ne triche pas, ne convoque aucun élément extérieur à la bande dessinée mais exploite toutes ses capacités pour produire de l’humour intraduisible dans un autre médium.
I Am the Eggman de José Parrondo (L’Association), 304 p., 18 €
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