Avec 466 livres (contre 521 l’année dernière), dont 321 romans français, 145 traduits et 74 premiers romans, cette rentrée littéraire s’annonce comme la plus minimale depuis des années. Elle est pourtant l’une des plus riches en textes forts et nouvelles voix. Voici notre sélection de dix romans étrangers (le reste est à retrouver dans notre magazine en kiosque !).
Salman Rushdie, La Cité de la victoire (Actes Sud)
Très attendu, le nouveau roman de Salman Rushdie a été écrit avant l’attaque terroriste qu’il a subie l’année dernière et qui lui a coûté un œil et de nombreuses blessures. Il reviendra sur cette attaque dans un texte, Knife, à paraître en 2025 chez Gallimard. En attendant, on se plonge dans le merveilleux de cette épopée qui mélange amours, mythes, histoire de l’Inde et politique, à travers la vie (de 250 ans !) d’une jeune orpheline, Pampa Kampana, devenue le réceptacle d’une déesse puissante. Une de ces fables qui font la marque de fabrique de l’écrivain.
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Han Kang, Impossibles Adieux (Grasset)
Dans ce beau roman où les mort·es s’invitent dans les rêves, l’autrice crée une atmosphère intime de neige nocturne et de sons étouffés pour évoquer un épisode tragique de la dernière guerre et de la partition de la péninsule coréenne : le massacre de villageois·es prétendument communistes sur l’île de Jeju. Avec une immense délicatesse, Kang se penche sur les traumas collectifs, ces violences que l’histoire officielle a oubliés, mais qui reviennent hanter ses personnages, des années après.
Cristina Rivera Garza, L’Invincible Été de Liliana (Globe)
1990. Liliana Rivera Garza est tuée par son petit ami au Mexique. Trente ans plus tard, sa sœur décide de tenter, par l’écriture, de comprendre tous les rouages de ce meurtre. L’invincible été de Liliana réussit la prouesse d’être à la fois un récit bouleversant sur le deuil, une analyse implacable des violences sexistes au Mexique, une enquête haletante et surtout le portrait d’une jeune femme cherchant à s’émanciper dans un pays corseté. Et une ode à cet amour sororal invincible.
Imogen Binnie, Nevada (Gallimard)
C’est le premier roman d’une écrivaine trans à être publié aux États-Unis. C’était en 2013 et, depuis, ce récit pop des tribulations de Maria, une femme trans, est devenu culte aux States. Et à raison.
David Grann, Les Naufragés du Wager (Éditions du sous-sol)
Depuis l’enquête inouïe de La Note américaine (2018), puis son adaptation au cinéma par Scorsese (en salle en octobre), chaque livre de ce grand reporter du New Yorker est très attendu. Son nouveau reconstitue l’épopée d’un vaisseau, le Wager, entre naufrage, mutinerie et cannibalisme.
Gabriela Wiener, Portrait huaco (Métailié)
Dans son premier roman, la journaliste Gabriela Wiener part sur les traces de son arrière-arrière-grand-père, figure coloniale qui a donné son nom à la lignée péruvienne dont elle est issue. Au fil des pages et d’une écriture grave et drôle elle tente de “reconstruire quelque chose grâce aux fragments volés d’une histoire incertaine”. Et elle questionne au passage avec une grande intelligence l’hérédité, l’amour, sa relation à son père et son identité de jeune Péruvienne vivant en Espagne.
Zeruya Shalev, Stupeur (Gallimard)
Après Douleur (2017), la romancière israélienne continue d’explorer l’impact de l’histoire collective dans l’intime. Enquêtant sur la jeunesse de son père, Atara retrouve sa première épouse, très âgée, et un passé méconnu surgit. Celui des activistes en lutte contre la présence britannique avant la création d’Israël. Shalev scrute les relations de couple, la maternité, les plaies qui ne se referment jamais, dans un roman ambitieux où chaque personnage incarne un pan de la société israélienne.
Kathryn Scanlan, Cavaler seule (La croisée)
Pendant des heures, Kathryn Scanlan s’est entretenue avec Sonia, une entraîneuse de chevaux du Midwest. De ces échanges elle a tiré ce court roman à l’écriture d’une simplicité presque chirurgicale. Cavaler seule retrace l’existence de Sonia dans un milieu très souvent violent envers les femmes et les animaux. Les phrases brèves de Scanlan sur la relation entre Sonia et les chevaux, sur le temps qui passe font de Cavaler seule un récit d’une rare justesse sur l’expérience humaine.
Dawnie Walton, Le Dernier Revival d’Opal & Nev (Zulma)
C’est en regardant un documentaire sur les deux choristes noires du groupe Talking Heads que Dawnie Walton a eu l’idée de son premier roman. Sous la forme d’un faux livre d’enquête, elle retrace l’histoire du groupe imaginaire Opal & Nev dont la chanteuse (noire) est invisibilisée par toute l’industrie musicale. Ce roman qui mêle histoire du rock et tensions raciales aux États-Unis a tapé dans l’œil de l’auteur américain Ta-Nehisi Coates qui l’adapte en ce moment en série pour la chaîne HBO.
NoViolet Bulawayo, Glory (Autrement)
Le Jidada est une terre imaginaire peuplée d’animaux qui parlent. Comme George Orwell, NoViolet Bulawayo se sert des animaux pour tisser une brillante satire politique qui raconte, on le comprend vite, l’histoire récente du Zimbabwe. Sa force : nous donner à entendre les voix des habitants, des dirigeants corrompus, des foules d’anonymes sur les réseaux sociaux. Et faire émerger de son humour corrosif de grandes réflexions sur l’émancipation et la liberté.
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